jeudi 7 mars 2013

Sexisme et discrimination au travail : « Délit de maternité » *

*(terme emprunté à B. Grésy, Inspecteur Générale des Affaires sociales et auteur du livre « Petit traité contre le sexisme ordinaire »)

Femmes enceintes, jeunes mères de familles....pas toujours très bien vues dans le milieu du travail.

Aujourd'hui en France, plus d'une femme sur quatre affirme avoir subi une discrimination au travail pendant sa grossesse. (Sondage CSA pour la Halde, organisme chargé de lutter contre toute forme de discrimination, - 2010)

En témoigne le récit de Sarah (cf/ Documentaire « Elles font tourner le monde » présenté par Carole Gaessler et diffusé mardi 5 février à 20 h 35 sur France 5) qui apprend qu'elle va être licenciée pendant sa grossesse. Commence alors une longue bataille judiciaire de laquelle elle va sortir vainqueur.
Pourtant, le Code du Travail interdit formellement le refus d'embaucher, le licenciement ou la rupture du contrat de travail au cours de la période d'essai, d'une salariée en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse. (Articles L 1132-1, L 1142-1, L 1225-1 et  Articles 225-1 et 225-2).
Mais l'employeur, au fait de la législation, se garde bien d'invoquer ce motif. Il utilise dans ce cas,des procédés dissuasifs ou des moyens de pression beaucoup plus subtiles : questions insidieuses sur les projets familiaux lors de l'entretien d'embauche, menaces plus ou moins explicites, écarts de rémunérations, rétrogradation de poste, voire refus d'embauche ou licenciement pour des motifs fallacieux.
Ce qui a pour effet de décourager bien souvent les femmes victimes de discriminations au travail à porter plainte de peur de ne pouvoir prouver de tels agissements. De plus, plaider en justice fait peur et on ne sait pas toujours à qui s'adresser. Parfois les femmes craignent de devoir s'engager dans une bataille judiciaire longue et éprouvante alors qu'elles préféreraient se concentrer sur leur grossesse ou leur enfant. Il faut savoir que depuis la loi de 2008, les femmes ont cinq ans pour déposer plainte lorsqu'elles estiment avoir été victimes de discrimination.

Mais que craignent au juste les employeurs ? Ils s'inquiètent que, mises devant leurs nouvelles responsabilités, le taux d'absentéisme au travail de ces jeunes mamans s'envole et qu'elles deviennent tout à coup moins disponibles et moins productives. (Congés pour enfant malade, fins de journées écourtées, refus de mutation géographique, absence pour congés de maternité, demande de travail à temps partiel, congé parental, grossesses futures, etc.)
Selon une étude réalisée par Régus auprès de 10 000 professionnels internationaux, il semblerait que trois motifs principaux fondent la réticence des employeurs à embaucher les mères de famille :
Elles sont considérées comme moins impliquées et moins flexibles que les autres employées
Les employeurs craignent qu'elles quittent leur poste juste après avoir été formées pour un congé maternité ce qui représenterait un manque à gagner pour l'entreprise. Il n'est pas toujours facile en effet de remplacer une personne compétente.
Leurs compétences risquent d'être dépassées.
(source : http://wellcom.fr/presse/regus/2011/01/les-femmes-actives-ayant-des-enfants-voient-
               fortement-baisser-leurs-perspectives-professionnelles/

Il faut savoir qu'en France (pays d'Europe champion de la fécondité), environ 80 % des mères travaillent. Elles sont de plus en plus informées de leurs droits et hésitent moins à interpeller le Défenseur des Droits (Service qui a pris le relais de la Halde) pour faire entendre leurs réclamations, même si le passage à l'acte reste difficile : 126 plaintes enregistrées en 2008 – 618 plaintes enregistrées en 2010. (www.defenseurdesdroits.fr)
Quoi qu'il en soit,  plus les femmes dénonceront les discriminations dont elles sont victimes, moins ce sujet sera tabou et plus elles encourageront les autres femmes à en faire autant.

Comment faire évoluer les mœurs dans ce domaine ?
S'agissant de la place des femmes au travail, il convient de repenser le concept d'efficacité de manière plus globale. Nul besoin en effet, de montrer qu'on reste très tard le soir derrière son bureau pour prouver son efficacité. Au contraire, en donnant aux mères les moyens de concilier travail et vie de famille (en encourageant la flexibilité des horaires, en développant les modes de garde telles les crèches d'entreprises, par exemple)  cela ne pourrait avoir que des répercussions  bénéfiques sur la qualité de leur travail.
Mais ce changement de mentalité ne peut s'opérer qu'à la condition d'une remise en question du rôle des pères. En effet, c'est l'ensemble du partage des tâches domestiques et de la parentalité qui est à reconsidérer.

Et si le changement des mentalités au travail commençait par un changement de mentalités à la maison ?


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Pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :
 « Petit traité contre le sexisme ordinaire » - Brigitte Grésy – Albin Michel – 2009 – 15€




Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48