dimanche 8 décembre 2013

Violences Conjugales


Je suis consciente que les violences conjugales ne s'exercent pas seulement à l'encontre des femmes. Il existe aussi des hommes victimes de maltraitances conjugales.
Par ailleurs, la violence conjugale se rencontre également au sein des couples homosexuels.
Néanmoins , une écrasante majorité des violences conjugales s'exerçant quand-même à l'égard du sexe féminin, je choisis par conséquent de cibler cet article en m'exprimant uniquement sur la violence faite aux femmes par leur conjoint masculin.


Aujourd'hui, une femme meurt tous les 3 jours en moyenne, des violences de son compagnon.
Les violences conjugales expliqueraient 17,4 % des homicides commis dans notre pays.
Toutes les catégories socioprofessionnelles sont représentées, y compris les plus favorisées intellectuellement.
Comme le souligne M-F HIRIGOYEN, auteur du livre « Femmes sous emprise, les ressorts de la violence dans le couple » : « La violence ordinaire se produit dans des famille ordinaires »

Vous avez le sentiment d'être victime de maltraitances au sein de votre couple mais la situation est un peu confuse dans votre esprit...
Vous n'êtes pas la seule à vous interroger devant une telle situation. La difficulté à repérer les maltraitances conjugales vient justement du fait que les limites sont imprécises, surtout lorsqu'il s'agit de violences psychologiques ou de manipulations perverses.

Distinguons cependant la violence réactionnelle (faisant suite à un état de colère mais qui reste un acte tout à fait isolé) de la violence « actionnelle », qui elle est délibérée et sert à dominer et à faire souffrir l'autre. Il ne s'agit plus là d'un acte ponctuel, isolé, mais bien d'une façon d'être en relation avec l'autre qui consiste à  le traiter comme un objet.

Il n'existe pas qu'une forme de violence. Si certains actes sont clairement identifiables et condamnables sur le plan juridique: comme  les coups et blessures par exemple, d'autres formes de violences sont beaucoup plus sournoises et peuvent prendre des formes multiples.
La maltraitance conjugale peut en effet, prendre des formes très subtiles et se traduire par exemple, par des insultes répétées, de l''intimidation, une jalousie excessive, l'humiliation, l'isolement, les privations de toutes natures, la confiscation de documents, etc. Il faut savoir que ces attaques psychologiques sont les plus dangereuses. En effet, des moyens subtils, répétitifs, voilés, ambigus, sont souvent plus pernicieux qu'une agression directe.
Certains mots  tuent  aussi sûrement que des coups, et présentent le sinistre avantage pour son auteur de ne pas laisser de traces...
Une grande violence peut aussi se dissimuler sous une apparente bienveillance ou derrière de bonnes paroles : (« Si je te dis ça, c'est pour ton bien... » ou « Si je te dis ça, c'est parce que je t'aime... »)
Pour résumer, on parle de violence psychologique, dès lors qu'un conjoint adopte une série d'attitudes et de propos visant à dénigrer sa compagne, nier sa façon d'être dans le but de la soumettre, exercer sur elle, un contrôle et un pouvoir permanent.

Comment repérer les signes de violence au sein de votre couple :
Si vous avez le sentiment que :
Des habitudes se sont installées sans que vous osiez réagir.
 Le sentiment du danger fait partie de votre quotidien. Vous vivez en état d'alerte permanent, sous la menace d'une agression qui peut surgir à tout moment
La présence de votre mari ou compagnon vous fait peur ou vous sursautez à son approche
Vous craignez de rentrer chez vous. Vous craignez pour la sécurité de vos enfants
Votre mari (compagnon) vous isole de vos amis, de votre famille, de vos voisins, de vos collègues ; refuse que vous travailliez
Votre mari (compagnon) vous ignore ou vous critique à tout propos, vous dévalorise en public ou en privé, ne tient pas compte de votre avis. Vous n'osez plus exprimer librement vos désirs, vos opinions de peur de le contrarier et de subir une nouvelle agression.
L'attitude agressive de votre mari (compagnon) vous donne l'impression de ne plus avoir de contrôle sur votre propre vie ni sur celle de vos enfants
Vous ne supportez plus que votre mari (compagnon) s'adresse à vous uniquement par des ordres ou des cris

Vous êtes peut-être victime de violences conjugales...

Le seuil de tolérance de chacun est fonction de son histoire personnelle et de sa sensibilité.
Mais ce seuil peut être modifié tout à fait insidieusement par la mise sous emprise qui s'installe peu à peu entre un conjoint violent et sa compagne.

S'il est difficile d'identifier les signes de la violence, c'est aussi parce que celle-ci s'installe progressivement dans le couple, d'abord par de la simple tension ou de l'hostilité que l'on ne repère pas toujours. Puis ces manifestations deviennent de plus en plus fréquentes.

Habituellement, le cycle de la violence se déroule en 4 phases et ce de manière répétitive.
Elle commence par une phase de tension, d'irritabilité, que l'homme met souvent sur le compte de causes extérieures liées à la vie quotidienne : les enfants, le travail, etc.
Pendant cette phase de montée de la violence, l'homme rend responsable sa compagne de toutes ses frustrations et stress de sa vie.
S'en suit une phase d'agression où l'homme donne l'impression de perdre le contrôle de lui-même : cris, menaces, insultes, etc. La violence physique commence progressivement : bousculades, bras tordus, gifle...Puis, c'est l'escalade. De peur d’aggraver la colère, la femme se retranche souvent dans le mutisme. Démunie, elle n'a souvent pas d'autre solution que la soumission.
Vient ensuite une phase d'excuse où l'homme tente de minimiser son comportement en cherchant une explication qui pourrait le déculpabiliser.C'est d'ailleurs souvent lors de cette prise de conscience que l'homme jure que cela ne se reproduira plus... Mais le plus facile étant encore de rendre sa partenaire responsable. C'est vous qui l'avez provoqué...
Cette attitude a pour effet d'engendrer le doute et la culpabilité chez la femme, qui va prendre à sa charge la justification de la violence et chercher à modifier son comportement,afin de  le rendre plus conforme aux attentes de son conjoint et éviter ainsi une prochaine crise de violence. C'est du moins ce qu'elle croit...
Arrive enfin une phase de réconciliation, encore appelée « lune de miel » où l'homme retrouve une attitude agréable, se montrant attentionné, prévenant... jusqu'à la prochaine crise de violence...

Une fois la violence installée, les cycles vont se répéter en s'accélérant dans le temps et avec une intensité croissante. La période de rémission est de plus en plus courte. Le danger est que le seuil de tolérance de la femme à cette maltraitance augmente jusqu'à trouver cette violence normale, et même pire : justifiée ! Parfois elle ne perçoit plus que ce qu'elle est en train de vivre est tout simplement inacceptable !

 Si la violence est clairement perçue par la victime, il n'est pour autant, souvent pas facile de dénoncer ces faits et gestes, voire de quitter un conjoint violent pour de multiples raisons :
Souvent le doute subsiste : la femme doute de ses propres émotions et de sa compréhension de la situation. Elle se dit que sa perception de la réalité est sans doute fausse. Il faut dire que sa capacité critique a été largement entamée. Les violences répétées ont détruit son estime et sa confiance.  Parfois elle finit par croire que peut-être, elle ne vaut pas mieux que ça...
Parler est difficile : les victimes sont souvent parcourues par un sentiment de honte : honte de se laisser maltraiter, honte d'être « une femme battue »
Leurs conjoints savent généralement très bien se comporter en société. Ce sont souvent des êtres particulièrement appréciés, estimés, serviables, aimables, bref, en-dessous de tous soupçons...Qui donc pourrait croire que, une fois la porte de la maison refermée, ils se transforment en bourreau. La femme craint donc qu'on ne la croit pas.
Elle craint aussi, si elle venait à parler ou si l'idée lui prenait de quitter son conjoint, d'avoir à en subir des représailles. Et s'il mettait ses menaces à exécution ?
Et puis, que va dire ou penser la famille, les collègues, l'entourage ?
De plus,  il n'est pas facile de partir car on peut être habité par des sentiments ambivalents à l'égard de son compagnon : il se montre gentil par moment, jure qu'il ne recommencera pas. Une partie de soi l'aime encore et veut croire malgré tout qu'il va changer.
Les aspects matériels sont aussi à prendre en compte : si on quitte le domicile conjugal, que va t'il advenir des enfants ? Aura t'on suffisamment d'argent pour subvenir à nos besoins ? Va t'on trouver à se loger ?

Sortir de la violence prend du temps. A chaque femme son rythme, son chemin personnel. Parfois de nombreux allers-retours seront nécessaire avant qu'elle ne puisse quitter le domicile conjugal. Partir ne veut pas dire pour autant se séparer définitivement. Mais c'est reconnaître en tous les cas, son impuissance à changer l'autre et décider de s'occuper enfin de soi.

Comment sortir de cette spirale de la violence conjugale ? En reconnaissant tout d'abord son statut de victime.
Oser  parler, oser dénoncer le coupable, oser porter plainte :  La parole soigne. Oser nommer ce que vous subissez est essentiel pour la reconstruction. Le fait de dire à l'extérieur ce que vous subissez, c'est le début de la prise en charge, de la reconquête de la personnalité.
Il n'est pas toujours facile de trouver le bon interlocuteur. Pour certaines femmes, il est plus facile de se confier à un interlocuteur anonyme. Pour cela, des services d'écoute avec du personnel qualifié ont été mis en place pour orienter et accompagner les femmes victimes de violences conjugales dans leurs démarches. Ils sont accessibles gratuitement et préservent l'anonymat. De plus, les appels n'apparaissent pas sur les factures de téléphonie fixe et mobile.
Il faut savoir que les violences conjugales ont été déclarées « Grande Cause Nationale » en 2010. L'objectif de cette campagne étant d'inciter les femmes  à sortir du silence et à passer à l'action.
Aujourd'hui, seules 8 % des femmes victimes de violences osent aller porter plainte.
Or, le dépôt de plainte est essentiel car si ces pratiques restent impunies, cela revient à dire que ce qui s'est passé est normal. Il est important que ce délit soit nommé car à partir du moment où l'homme est reconnu coupable, on reconnaît à la femme son statut de victime. C'est souvent pour elle, le point de départ de la reconstruction.
Face à cette situation, la loi, premier rempart contre le phénomène de violence au sein du couple, veut montrer à toutes les femmes victimes de violences que la police et la justice sont à leurs côtés.
Que dit la loi ?
Le mariage (ou la vie commune) ne donne aucun droit à disposer du corps de son partenaire
1990 : le viol entre époux est reconnu par un arrêt de la Cour de Cassation
1992 : selon la décision du 11 juin, « la présomption de consentement des époux aux actes sexuels ne vaut que jusqu'à preuve du contraire ».
1994 : le code pénal reconnaît comme circonstances aggravantes les violences commises par un conjoint ou concubin.
2004 : Relatif au divorce. Elle instaure un dispositif permettant  l'épouse victime de violences conjugales, avant même de déposer une requête en divorce de saisir en urgence, le Juge aux affaires familiales, pour solliciter aux termes d'une procédure contradictoire l'éviction de son conjoint du domicile conjugal.
Loi du 9 juillet 2010 : 3 nouveaux délits sont reconnus :
le délit de violences psychologiques
Le délit de harcèlement au sein du couple
Le délit de violences habituelles au sein du couple.

La loi du 9 juillet 2010 permet également au Juge de statuer en urgence en ordonnant l'éloignement du domicile du conjoint violent sur le champ. Si c'est la victime qui souhaite quitter le domicile conjugal, le juge pourra décider d'organiser son relogement pour la mettre hors de portée de son conjoint tout en statuant provisoirement sur la garde des enfants.

Certaines victimes redoutent de déposer une plainte, car elles ne se sentent pas prêtes à
assumer les conséquences judiciaires et familiales que leur démarche va nécessairement
entraîner. Il faut savoir néanmoins qu'un dépôt de plainte n'entraîne pas nécessairement l'incarcération de l'agresseur. D'autres sanctions sont possibles.
Pour laisser aux femmes la possibilité de signaler les faits sans pour autant engager une procédure pénale, il faut savoir qu'elles ont la possibilité de déposer une main-courante.
La main-courante est une simple déclaration qui peut être faite auprès de tout service de la
police nationale ; les faits relatés sont consignés sur un registre ou de manière informatisée.
En principe, le dépôt d'une main-courante ne donne lieu à aucune enquête, ni à aucun suivi
judiciaire. Ce procédé sert donc essentiellement à laisser une trace écrite d'un événement que
la victime a subi, document susceptible d'être utilisé en cas de procédure judiciaire ultérieure.
Il contribuera alors à retracer l'historique des violences au sein du couple.

Vous êtes victimes de violences conjugales, appelez le 3919, numéro national unique pour les femmes victimes de violences conjugales (appel gratuit depuis un poste fixe) : numéro d’écoute anonyme. Une équipe d'écoutantes professionnelles assure une écoute bienveillante du lundi au samedi, de 9 heures à 22 heures. Lorsque vous composez le 3919, ce numéro de téléphone  n'apparaitra pas sur votre relevé (facture de téléphone)


Articles qui peuvent vous intéresser :


Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :

  • « Les violences sournoises dans le couple : les identifier, les comprendre, s'en débarrasser » - Isabelle Levert – Robert Laffont – 2011 – 334 p – 19,95 E
  • « Pour en finir avec les violences conjugales »  Emmanuelle Millet – Marabout –2005 – 10E
  • « Femmes sous emprise » - M-France Hirigoyen – Pocket – 2005 – 7 E


  • Dans le cadre de l'émission « Le monde en face » (Carole Gaessler), documentaire : « Amours toxiques » - 52 mn – Diffusé : Mardi 4 juin 2013 à 20 h 40 sur FRANCE 5


  •  Mardi 4 mars 2014 à 23 H 05 sur FRANCE 2 : Documentaire : "Intimes Violences"
    70 mn 
  • Mercredi 27 août 2014 à 22 h 30 sur FRANCE 2 le magazine "Dans les yeux d'Olivier" sera consacré au sujet des femmes victimes de violences

  • Film : « Ne dis rien » - Drame Espagnol – réalisé par Iciar Bollain – sorti en 2004 – 1 h 46'