mardi 7 mars 2017

Le Viol Conjugal

Lorsqu’on entend le mot « viol », l’image qui vient aussitôt à l’esprit est celle d’une femme victime d’une agression par un parfait inconnu psychopathe, armé jusqu’aux dents, dans une ruelle sombre ou au fond d’un parking. Beaucoup ignorent que 37 % des viols (environ 75 000 d’après l’Observatoire National de la Délinquance) sont commis chaque année par le conjoint ; sachant que ces chiffres sont certainement grandement sous-évalués compte tenu du très petit nombre de victimes qui osent porter plainte.


La loi définit le viol comme tout acte de  pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit commis sur la personne d’autrui, par la violence, contrainte, menace ou surprise.  (Art. 222-23 du code pénal). Le docteur Violaine Guérin dans son livre « Comment guérir après des violences sexuelles » précise que la pénétration peut être vaginale, anale ou orale et qu’elle peut être imposée par la contrainte physique ou psychologique. Aussi la notion de viol s’applique quand il y a pénétration d’un objet quelconque dans un orifice sexuel ou d’un objet sexuel dans un orifice quelconque.

La loi est claire : qu’il soit le fait d’un parfait inconnu ou de son conjoint, un viol est un viol. Le viol est un crime passible de la cour d’Assise. La peine encourue par l’auteur est de 15 ans d’emprisonnement. Le viol entre époux est reconnu par la loi depuis 1992. Considéré même comme circonstance aggravante depuis 2006, la peine est majorée de 5 ans lorsque le viol est commis par le conjoint ou le partenaire de la victime.

Les femmes victimes de viol (car il s’agit majoritairement de femmes) n’ont pas toujours conscience que c’est de cela qu’il s’agit. La plupart ont grandi avec la notion de « devoir conjugal » en vigueur depuis 1810 (Code Napoléon : « Le devoir conjugal est une obligation, il n’y a pas de viol entre époux »)  pourtant devenue obsolète…

Un arrêt de la Cour de Cassation de 1992 affirme que « la présomption de consentement des époux aux actes sexuels ne vaut que jusqu’à preuve du contraire». Evoquer la notion de viol conjugal, amène donc nécessairement à s’interroger sur la notion de consentement. Nombreux encore sont ceux (hommes comme femmes) qui ont du mal à concevoir qu’on puisse parler de viol dans le cadre du couple. Pour eux, il ne peut pas s’agir vraiment d’un viol. Quand c’est son partenaire ça ne compte pas vraiment. Elle lui a dit non mais elle n’était pas vraiment convaincante. Il y a une différence pourtant, entre « céder » et « consentir ». Bien des raisons peuvent amener les femmes à céder : la menace, la peur des représailles, la violence physique, etc. Sans compter que dans l’esprit de nombreuses personnes, la sexualité des femmes est passive. Leur rôle est avant tout de satisfaire les besoins de leur mari. Il n’y a donc pas de quoi en faire un fromage !

Ce type de croyances n’encourage pas les femmes à porter plainte lorsqu’elles sont victimes de viol conjugal même si depuis 2010, la mention de la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel est pourtant supprimée, à propos du viol entre époux. Déposer plainte suppose dans un premier temps qu’elles aient conscience que ce qu’elles ont subi est un viol  et qu’elles osent ensuite déposer plainte contre leur conjoint, ce qui est loin d’être une évidence. Le viol est déjà quelque chose de tabou la plupart du temps, souvent vécu dans un sentiment de honte. Alors le viol conjugal… . Porter plainte pour ce genre de faits va ternir la réputation de son conjoint et l’image du couple et de la famille.

Une fois encore, la femme craint les représailles, si elle venait à dénoncer les exactions de son mari. De même qu’elle a peur de ne pas être crue ou prise au sérieux, tant le viol conjugal est encore sujet à caution.,Gageons que des procès exemplaires comme celui des Assises de Nanterre (cf : Magazine « Envoyé Spécial » : 2 mars 2017) permettent des avancées en matière de Justice et incitent les victimes de viol conjugal à porter plainte.

Car, désirer, aimer, ne signifie pas exercer sa toute-puissance en instrumentalisant le corps de l’autre. Le mariage ou la vie commune ne donne aucun droit à disposer du corps de son partenaire.
Et pour aller plus loin si ce sujet vous intéresse :

Livres
  • Témoignage : « Cher maitre : 8 ans de viol conjugal » - Virginie Dumas – Ed° Flammarion – 2004 – 158 p – 14,20 €
  • « Comment guérir après des violences sexuelles ? » - Docteur Violaine Guérin – Ed Tanemirt – 2014 – 231 p – 25 €
Télévision
  • Extrait de "Viol à domicile", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 2 mars 2017.

http://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/video-viol-conjugal-je-n-arrivais-pas-a-l-exprimer-ce-viol_2074513.html



Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48