dimanche 4 décembre 2016

Victime de violences sexuelles

Que vous le sachiez ou non, quelqu’un de votre entourage (peut-être même, vous-même) a  été ou sera, victime de violences sexuelles.  On estime en effet, que les violences sexuelles concernent une femme sur quatre et un homme sur six…



Voici ce que nous révèle la toute récente enquête Violences et rapports de genres (Virage), réalisée en 2015 par l’I.N.E.D. auprès d’un échantillon de près de 16 000 femmes et 12 000 hommes représentatifs de la population âgée de 20 à 69 ans et qui nous permet de préciser la nature des actes subis. Les femmes rapportent des viols et des agressions sexuelles dans des proportions très supérieures à celles des hommes. Le nombre annuel de personnes victimes d’au moins un viol ou une tentative de viol est estimé en France à  62 000 femmes et 27 600 hommes. Le nombre de personnes victimes d’autres agressions sexuelles au cours des douze derniers mois est estimé à 580 000 pour les femmes et 197 000 pour les hommes. Parmi les femmes qui ont subi des viols et tentatives de viol, 40 % les ont vécues dans l’enfance (avant 15 ans), 16 % pendant l’adolescence et 44 % après 18 ans. Les violences subies dans le cadre familial ou conjugal sont fréquemment répétées et peuvent se poursuivre pendant de longues périodes. S’agissant des hommes, les trois quart des viols et tentatives de viol subis l’ont été avant 18 ans. Globalement, c’est au sein de l’espace privé, c’.à.d. dans les relations avec la famille, les proches, les conjoints, y compris les petits amis, que se produisent l’essentiel des viols et tentatives de viols. Trois femmes sur quatre, parmi celles qui en ont subis, les ont vécus dans ce cadre. Ces violences se produisent principalement aux jeunes âges : 82 % des viols ou tentatives de viols subis dans la famille débutent avant l’âge de 15 ans. De même pour les hommes ou 9 fois sur 10 cela se passe dans le cadre familial.




Les relations de couple ou relations avec un ex-conjoint sont le 2è espace de vie où les femmes subissent le plus de viols et tentatives de viols, dont 10 % avant 18 ans. Les actes rapportés par des hommes sont majoritairement le fait d’autres hommes (75 % des actes dans la famille) et ce, dans 3 cas de viols et tentatives de viols sur 4.


L’enquête réalisée directement auprès des victimes par L’association « Mémoire traumatique et victimologie » parue dans « Le Monde » en mars 2015 confirme ces chiffes : 81 % des victimes de violences sexuelles ont été agressées dans leur enfance. Cela veut dire que des dizaines de milliers d’enfants sont victimes, tous les jours dans notre pays, d’agressions sexuelles. Parmi ces enfants, l’enquête confirme que 93 % ont été agressés par un proche.


Par violence sexuelle, on entend, toute forme de contact sexuel entre un adulte et un enfant de moins de 16 ans, ou tout contact sexuel non désiré entre deux adultes.


La loi distingue 2 catégories de violences sexuelles qualifiées de crimes ou de délits.


  • Le viol : tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit vaginale, anale ou orale commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. Le viol est un crime, passible des assises. (Jeudi 24 novembre 2016 était diffusé à la télévision sur France 3 à 23 h 55, le documentaire « Le procès du viol » qui revenait sur le viol subi par 2 touristes belges en 1974 à Aix en Provence. Durant 4 longues années, elles se sont battues pour que cette agression soit requalifiée en « crime » passible des assises et non en simple « coups et blessures » comme c’était le cas jusque-là. Ce documentaire raconte en réalité un procès plus global : celui du viol et d’une société trop indulgente envers la violence masculine. Deux ans après ce procès, la loi définissant le viol comme crime était votée en France.)

  • Les agressions sexuelles (autres que le viol) constituées par l’acte, attouchements illicites ou impudiques exercés avec ou sans violence sur une personne non consentante. L’agression sexuelle est un délit jugé au tribunal correctionnel.



L’agression sexuelle peut être perpétrée par un homme ou par une femme, sur une personne mineure ou majeure, de sexe masculin ou féminin.


Pourquoi est-il si difficile de parler : que dire, comment le dire et à qui ?


Pour dénoncer une agression ou toute autre forme d’abus, encore faut-il avoir conscience que l’on en a été victime. L’abus peut revêtir plusieurs formes et ne se situe pas toujours là où on l’imagine, (cas par exemple, des enfants dont les parties intimes vont faire l’objet de soins anormalement précautionneux par une personne chargée de son éducation.) S’agissant des enfants, l’agresseur fait souvent partie du cercle proche de la victime et est au-dessus de tous soupçons. L’auteur le sait bien et il va utiliser cet artifice pour servir sa cause. Il va s’employer à mettre sa proie en confiance de manière à ce qu’elle ne se doute pas de ce qui est en train de se mettre en place. Puis, une fois tombée dans le piège, il la convainc de la normalité de ces pratiques : « C’est normal, ça se passe comme ça dans toutes les familles… »


Donc pour être en mesure de dénoncer de tels agissements, encore faut-il avoir conscience que ce que l’on subit est de l’ordre de la violence sexuelle. Et, selon le cadre de référence dans lequel l’enfant est élevé  (si ces pratiques abusives font partie de son quotidien), elles ne sont pas forcément conscientisées comme telles car il n’a jamais connu autre chose.


Certains prédateurs usent par ailleurs habilement de leur position d’autorité ou de hiérarchie pour impressionner leur victime. Ils achètent leur silence en leur faisant croire que si elles révélaient ce qui se passe, personne ne les croirait. Et en plus ce qui se passe là est un secret qui ne regarde qu’eux. La culpabilisation, la honte, les menaces ou les privilèges font partie de l’arsenal du prédateur pour acheter le silence de la victime. Et si quand bien même, la victime s’interroge sur le caractère « normal » de ce qu’elle subit, lorsque l’auteur des faits est connu, elle pense qu’il va être difficile de le mettre en cause. Cela ne l’encourage donc pas à parler et l’emmure dans le silence.


De plus, les personnes abusées ne trouvent pas toujours auprès d’elles le moment venu, la personne à qui elles oseront se confier et qu’elles estimeront être en capacité d’entendre ce qui est de l’ordre de l’inentendable. Elles craignent parfois de ne pas être crues tant leurs propos peuvent paraitre sordides, et ont besoin d’être assurées si ce sont des enfants, qu’ils vont pouvoir compter, une fois ces révélations faites, sur la protection de l’adulte qu’ils auront choisi comme confident.


La difficulté à oser dénoncer le prédateur est parfois également liée à un sentiment de honte qui peut envahir la victime ; honte car elle se sent coupable de s’être ainsi laissée malmenée et souillée. Honte de n’avoir pas su empêcher son agresseur d’agir ou de n’avoir pas su mettre un terme à ses exactions. L’enfant n’a pas conscience que c’est l’adulte pervers qui est entièrement responsable de ses actes et qu’il n’est pas .en cause. Pour peu que l’agresseur réussisse à faire croire à l’enfant que c’est lui qui provoque ces « jeux » ou qu’il y prend du plaisir, il entretient ainsi habilement la confusion pour garder le pouvoir et acheter son silence.


Sur plus de 60 000 femmes violées ou ayant subi des tentatives de viol estimées en France chaque année, 10 % seulement portent plainte. Le manque de confiance dans la procédure judiciaire, crainte qui malheureusement n’est pas toujours infondée, ne les encourage pas à le faire ; même si l’on constate un progrès incontestable, il faut bien le reconnaître, dans l’accueil des victimes de viol par la Police. La procédure reste éprouvante et il ne faut pas hésiter durant toute cette période à se faire accompagner. Des associations d’aide aux victimes peuvent être d’un grand soutien. On compte 3 ans en moyenne pour que l’instruction d’un viol soit achevée et 5 ans au total pour un jugement en Assises. Se pose encore trop souvent la question de la déqualification des viols de crime en délit. De nombreux viols sont en effet, correctionnalisés et jugés comme de simples agressions sexuelles. Les arguments invoqués pour justifier cette déqualification étant de permettre aux victimes d’accéder à un procès moins long et moins éprouvant. Cela permet surtout en réalité, de désengorger les tribunaux…


 L’agression sexuelle est un crime contre le corps et contre l’âme, lourde de conséquences sur la santé mentale et physique des victimes. Ces conséquences étant encore aggravées lorsque l’agression est de nature incestueuse.


Parfois la douleur engendrée est si violente sur tous les plans, que pour s’en protéger, le cerveau va tenter d’effacer ce souvenir de la mémoire en mettant en place ce que l’on appelle : l’amnésie post-traumatique. Cette amnésie va agir de manière à ce que la victime ne soit plus confrontée au souvenir traumatisant de l’agression jusqu’au jour où contre toute attente, ce souvenir peut remonter à la surface de manière tout à fait inopinée.


Que le souvenir de l’agression soit intact ou qu’il ait été enfoui, l’agression sexuelle est une bombe à fragmentation qui continue à agir de manière souterraine, des années après le choc traumatique. Pour la personne qui a subi cette forme de violence, c’est une véritable explosion, à la fois sur le plan physique, psychique, émotionnel et énergétique avec un sentiment prédominant de morcellement.

Quand le corps parle…Ce traumatisme (conscient ou non conscient) va s’exprimer au travers de pathologies psychiques mais aussi physiques qui sont bien souvent surreprésentées chez les personnes ayant subi des violences sexuelles. Mais la victime ne fait pas forcément le lien entre son mal être ou le cortège de symptômes dont elle souffre et l’agression dont elle a fait l’objet. D’autant que ces symptômes peuvent se manifester parfois longtemps après l’agression.
Les violences sexuelles sont des crimes punis par la loi. Si vous avez été victime de violences sexuelles anciennes ou récentes, il est important d’en parler le plus tôt possible. En effet, en parler est le premier pas vers la guérison. Des processus thérapeutiques adaptés et personnalisés existent. Même si la souffrance est intense, ne restez pas seul(e) car la guérison est possible.
Oser rompre le silence et révéler l’identité de l’auteur a également une grande portée thérapeutique. Cette révélation va permettre que justice soit faite et reconnaître votre statut de victime. Non, vous n’êtes pas responsable, encore moins coupable de ce qui vous est arrivé. L’auteur doit être puni pour le crime qu’il a commis. Juger l’auteur va aussi servir à mettre ce dernier hors d’état de nuire. Ainsi, parler c’est aussi briser la chaîne de la violence sexuelle ; car il ne faut pas oublier que dans 80 % des cas, l’auteur de cette agression a lui-même été d’abord victime. De plus, dans certaines familles, les violences sexuelles se transmettent parfois de générations en générations, tant que la parole reste muselée. Donc, osons briser le silence pour que cesse une fois pour toutes, ce crime odieux. Sachez que si vous déposez plainte suite à un viol, l’aide juridictionnelle vous est accordée de manière automatique, sans conditions de ressources et avec la possibilité de choisir votre avocat.
Si vous êtes témoin ou si vous soupçonnez des violences sexuelles (ou toute autre forme de violence) sur un mineur ou un majeur fragile, vous avez l’obligation de le signaler.
N'attendez pas d'avoir forcément des certitudes pour faire un signalement. Vous n'avez pas à vous substituer aux services d'enquête. Le simple fait que vous ayez des doutes peut justifier la rédaction d'un signalement. Si au final l’enquête devait démontrer que vos soupçons n'étaient pas fondés, vous ne pouvez pas être accusé de dénonciation calomnieuse. Mieux vaut donc, dans le doute, se tromper que ne pas signaler un délit ou un crime qui pourrait être lourd de conséquences pour la victime. Le signalement peut être adressé au procureur de la République, au Président du Conseil Général ou auprès du service de Police ou de Gendarmerie ; mais aussi, auprès du Service de l’Aide Sociale à l’Enfance ou en contactant le 119, numéro de téléphone national et gratuit, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Les professionnels du 119 exercent une mission de prévention et de protection. Votre appel peut aider un enfant en danger, donc n’hésitez pas à les contacter.
Les règles actuelles de la prescription : En 2016, s’agissant de viols, d’agressions sexuelles aggravées ou d’atteintes sexuelles aggravées sur mineurs de moins de 15 ans, le délai de prescription est de 20 ans après la majorité (soit jusqu’à l’âge de 38 ans) si la victime était mineure au moment des faits. Pour les agressions sexuelles dites « simples », ce délai de prescription est ramené à 10 ans après la majorité (soit 28 ans). Concernant les infractions sur les personnes majeures, en cas de viol, la victime a 10 ans pour signaler les faits. Elle dispose de 3 ans après les faits pour signaler une agression sexuelle simple ou aggravée.
Lorsque ce souvenir douloureux a été enfoui au fond de la mémoire (syndrome d’amnésie post-traumatique évoqué plus haut), la victime n’est pas toujours en capacité d’effectuer ce signalement dans les délais impartis. Je vous invite à visionner le témoignage de Flavie Flament, animatrice télé, qui a récemment révélé au grand public, les viols dont elle a été victime à l’âge de 13 ans et pour lesquels elle ne peut plus mettre en accusation l’auteur car ce crime a été rendu imprescriptible. Or, victime d’une amnésie post-traumatique, elle n’était pas en mesure de signaler les faits plus tôt.
C’est la raison pour laquelle l’association S.V.S (Stop aux Violences Sexuelles) défend l’imprescriptibilité des infractions sexuelles sur mineurs.
Si vous avez été victime de violences sexuelles, quelles qu’en soit la nature, qu’elles soient récentes ou anciennes, parlez-en. Brisez le silence !



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Mise à jour le 20 mars 2017

La proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale a
fini par être adoptée le 16 février 2017.
Elle représente une avancée pour les violences sexuelles sur majeurs, puisque
le crime de viol devient prescriptible 20 ans à compter des faits et les délits
6 ans après.
 

Le problème de cette réforme est qu’aucune mesure n’a été prise en
faveur des mineurs victimes d’agression sexuelle. 

 
Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse : 

* Pièce de théâtre : "Les chatouilles" d'Andréa Bescond - Mardi 7 mars 2017 à 20 h 30 à la Vence Scène à Saint-Egrève (38)



  • « Stop aux violences sexuelles, écoutons donc ces corps qui parlent » - Dr Violaine GUERIN – Tanemirt Editions – 2011 – 135 pages – 22 €
    Téléchargement gratuit sur le site internet SVS
    http://www.stopauxviolencessexuelles.com/wp-content/uploads/2013/10/medical-stop1.pdf

  • « Comment guérir après des violences sexuelles » - Dr Violaine GUERIN – Tanemirt Editions – 2014 - 230 pages – 25 €

  • « Pédophiles et autres auteurs d’agressions sexuelles : pourquoi, comment, comment soigner ? » - Dr Violaine GUERIN – Tanemirt Editions – 2016 – 25 €



  • "Qu'il emporte mon secret" - Sylvie Le Bihan - Ed° Seuil - 01/2017 - 218 p - 17 €

  • Jeudi 24 novembre 2016 – Documentaire diffusé sur France 3 à 23 h 55 « Le procès du viol ». Pour la première fois quarante ans après les faits, deux victimes de viol reviennent sur la bataille judiciaire qu’elles ont menée pour que le viol soit requalifié non plus en délit mais en crime et soit jugé en Assises.

  • Et si vous le souhaitez, je vous invite à rejoindre les signataires de la pétition « Pour protéger les mineurs de violences sexuelles et pour une meilleure prise en charge des personnes qui ont été victimes, mineures ou majeures, de violences sexuelles »
    http://inceste-viol-protegeons-les-enfants.psychologies.com/  



*  Mardi 21 mars 2017 : Magazine "Cash Investigation" - France 2 - 20 h 55 - Sujet : Pédophilie dans l'Eglise, le poids du silence" - Durée :  120 mn







Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48