mardi 21 février 2017

Procréation Médicalement Assistée : quel retentissement sur la vie de couple ?

« Alors, c’est pour quand ce bébé ?... » On ne se doute pas toujours combien cette question qui peut paraître anodine résonne comme un crève-cœur chez certains couples. Ne pas réussir à concevoir un enfant peut être source d’une grande souffrance quand ça n’est pas, encore aujourd’hui, synonyme de honte, ou tout simplement un tabou. Et face à cette douleur, on se sent parfois bien isolé.


La réalité est que de plus en plus de couples sont obligés de recourir à la Procréation Médicalement Assistée pour pouvoir mettre au monde un enfant. Et quand concevoir un enfant devient un parcours du combattant cela n’est pas toujours sans conséquence sur la relation de couple.
Que disent les chiffres au sujet de la Procréation Médicalement Assistée ? Selon l’Institut National des Etudes Démographique, en 2012 la Procréation Médicalement Assistée (P.M.A.) représente près de 3 % des naissances en France.

En 2012, plus de 142 708 tentatives de procréation médicalement assistées ont été menées en France. Elles ont permis la naissance de 23 887 enfants, selon l’Agence de la biomédecine. Cela représente 2,9 % des naissances enregistrées cette année-là par l’Insee, soit une naissance sur 35. 
En France, en 2016, l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) est réservée aux couples hétérosexuels, en âge de procréer, qui n’arrivent pas à concevoir un enfant naturellement pour des raisons médicales. Selon l’origine de leurs difficultés, l’AMP fait appel à une ou plusieurs techniques différentes, de l’insémination artificielle (Cette technique consiste à déposer du sperme (frais ou ayant été conservé par congélation dans l'azote liquide) provenant du conjoint ou d'un donneur, au niveau du col de l'utérus ou de préférence dans l'utérus lui-même).à la congélation des embryons. (Lorsqu’on obtient plus d’embryons qu’il n’est souhaitable d’en transférer ou lorsque le transfert n’est pas faisable (hyperstimulation sévère), il est possible de congeler les embryons surnuméraires).
Dans de rares cas (5 % en 2012)  les couples ont aussi recours à un don anonyme de sperme. (Sachant que la pénurie des donneurs aboutit à un délai d’attente d’un an et demi), d’ovules (mais les donneuses d’ovules sont encore plus rares…) ou d’embryons.  Pour 2012, ces dons ont permis la naissance de 1 334 enfants, dont l’un des parents (ou les deux) n’est donc pas la mère ou le père biologique.

Les 22 553 autres enfants nés grâce à une AMP réalisée en 2012 ont été conçus avec les gamètes (cellules reproductrices) de leurs deux parents. Les trois-quarts sont nés à la suite d’une fécondation in vitro (FIV). (La fécondation in vitro consiste à faire se rencontrer les ovocytes prélevés sur l'ovaire de la femme et des spermatozoïdes dans une éprouvette du fait de la stérilité. L'œuf obtenu est implanté deux jours plus tard dans l'utérus de la femme). Les naissances par FIV sont plus fréquentes car les tentatives sont plus nombreuses et  leur taux de succès plus élevé (environ 20 % contre 10 % pour l’insémination).Sources : INED 2013.

Une fois le couple embarqué dans le processus de P.M.A., le temps qui passe devient source d’angoisse. Chaque fin de cycle est vécue dans l’inquiétude puis le cas échéant, dans la déception. Et plus les tentatives se multiplient, plus l’objectif de la grossesse devient obnubilant, jusqu’à prendre parfois la forme d’un véritable combat, une épreuve de force  avec la médecine et avec soi-même qui peuvent rapidement virer à l’obsession ; sans compter que cet état de stress peut avoir lui-même un effet néfaste sur la fertilité

Les couples qui s’engagent dans ce protocole de P.M.A. ne mesurent pas toujours le chemin long et compliqué qui les attend. Difficile d’estimer en effet, avant d’y être confronté, à quel point cela risque d’être les montagnes russes sur le plan émotionnel, d’autant que les nombreuses déceptions qu’ils risquent de subir peuvent avoir des conséquences sur l’équilibre de leur relation. Stérilité, infertilité sont des mots souvent très durs à entendre quand tous les espoirs sont tournés vers le désir d’enfant. Comme le souligne le Dr Olivennes, Coordonnateur du Centre de Fécondation In Vitro à Paris « Dans les moments de découragement, il est bon de se rappeler que la moyenne de réussite en matière de F.I.V. se situe pour la moitié des femmes de moins de 40 ans, autour de la 4è F.I.V. ». 
Dans les moments de découragement, il est primordial,  pour les couples en souffrance, de trouver en face d’eux du personnel doté de tact et d’humanité que ce soit face aux examens intrusifs ou pour l’annonce des résultats.

Les couples n’ont pas toujours conscience (Peut-être ne les informe-t-on pas suffisamment ?) de l’effet des traitements et des divers examens qu’ils vont avoir à subir et de leur impact sur la libido : que ce soit les traitements hormonaux (qui entraînent une prise de poids pouvant retentir sur l’image du corps et l’estime de soi) mais aussi les divers examens dont certains peuvent être vécus comme une intrusion semblable à un viol sur le plan de l’intimité. 

S’agissant des rapports « sur commande », que l’on pourrait qualifier « d’utiles » (suite à une stimulation ovarienne) ils sont déconnectés de toute notion de désir ; le désir tout court étant remplacé par le désir de grossesse. Et quand les câlins ne se font plus qu’en fonction du calendrier, l’effet est souvent dévastateur sur le plan de l’érotisme. Certains examens, par ailleurs, comme le test de Hühner  (qui consiste à observer immédiatement après un rapport comment les spermatozoïdes se déplacent à l’intérieur de la glaire cervicale) peuvent être vécus comme une véritable intrusion. Parfois encore, lorsqu’il s’agit d’insémination avec sperme du conjoint ce moment peut être vécu dans une grande tension. Le moment venu, face au stress qu’engendre cette obligation de résultat (quand on sait que l’ovulation de sa compagne qui attend dans la pièce d’à côté a été déclenchée), certains hommes se trouvent complètement bloqués et ne sont tout simplement pas capables d’éjaculer sur commande. Il faut qu’ils sachent qu’ils ne sont pas les seuls dans ce cas. Cette situation engendre parfois malheureusement du ressentiment de la part de la femme ou une grande culpabilité de la part des hommes.

Il arrive que, malgré toutes les investigations sur le plan médical, rien ne semble pouvoir expliquer cette infertilité. On parle alors d’infertilité psychogène. Il semble que 10 % des infertilités soient de nature psychique. Si cette incapacité à concevoir un enfant malgré ce dispositif de P.M.A persiste il peut être bon de s’interroger sur le sens de cette difficulté qui peut dans certains cas, être en lien avec un passé traumatique.

 Tous les couples ne sont pas armés de la même manière pour surmonter toutes ces étapes. Si ces différentes épreuves peuvent rapprocher les couples qui s’entendent bien, elles malmènent parfois malheureusement, les couples déjà fragiles surtout quand les échecs se répètent. Quand la stérilité est inexpliquée, le résultat de la première F.I.V. tombe comme un couperet : l’auteur de la stérilité est dévoilé, ce qui  entraîne quelquefois de la rancœur vis-à-vis du coupable…. 
Lorsque les nombreuses tentatives n’aboutissent pas, cela devient de plus en plus pénible de rencontrer dans l’entourage, des parents avec de jeunes enfants ou des femmes enceintes car cela renvoie continuellement au sentiment d’échec. Le couple a alors tendance à se replier dans l’isolement. Et c’est la viabilité même de leur relation qui peut être remise en question.
Passé un certain délai, si les tentatives n’ont pas abouti, le couple se trouve confronté à un véritable travail de deuil. Or, ils ne trouvent pas toujours auprès d’eux à ce moment-là, un accompagnement psychologique suffisant et soutenant.

Tout au long de ce parcours du combattant, c’est important de pouvoir compter également, sur un soutien mutuel même si l’on n’est pas toujours accordé sur le même diapason que son conjoint. Quand l’un des deux a une baisse de moral, peut-être que l’autre a plus d’énergie et vice-versa. L’essentiel est que ce projet de grossesse n’occupe pas tout le terrain. Il ne faut pas en effet, oublier de vivre. Passez du temps ensemble, (restaurant, cinéma, sorties), faites-vous plaisir, envisagez tout ce qui peut vous aider à prendre un peu de distance avec ce projet de grossesse. Essayez autant que faire se peut, de retrouver une sexualité ludique, légère, déconnectée du projet de procréation. Le maître-mot vous l’avez compris, est le lâcher-prise. Des pratiques telles que la sophrologie peuvent vous aider à prendre de la distance et atteindre ce lâcher-prise.
 Il n’est pas rare de constater que c’est lorsque le couple a décidé de prendre du recul par rapport à ce projet d’enfant, en sortant de ce processus de P.M.A. ou en se tournant vers l’adoption que l’inespéré se produit.

Quoiqu’il en soit, si vous vous sentez découragé, ne restez pas seul surtout si vous avez le sentiment que votre relation de couple se trouve malmenée dans ce moment de turbulence. N’hésitez pas à vous faire accompagner pour vous aider à surmonter cette épreuve.

Et pour aller plus loin si ce sujet vous intéresse

Un GPS pour la Cigogne Tome 1 et Tome 2



« C’est le combat d’une femme pour être mère, d’un homme pour être père, d’un couple pour être heureux. C’est une des épreuves de la vie, incomprise par les autres, qui pousse les gens comme nous à se retrancher, à s’effacer, à s’oublier dans notre quotidien. Seuls… Les gens comme nous ? Oserais-je prononcer le mot si tabou en notre société et pourtant vécu par tant de personnes ? Les infertiles… » « Pour que cesse ce tabou qui ne devrait pas en être un, pour que la compréhension et la compassion deviennent des maîtres mots dans notre société mais aussi pour que chacun sache combien ce parcours n’est autre que celui du combattant. »



Faire un enfant au XXIe siècle


 « FAIRE UN ENFANT AU XXIème SIÈCLE » EST UN TITRE trompeur. Ce n’est en rien une somme sur la procréation médicalement assistée. Mais les confidences de l’un des meilleurs spécialistes en la matière, le Pr François Olivennes, sur vingt ans de pratique. Comme si l’on passait de l’autre côté du bureau, regardait avec ses yeux les couples qui attendent tout de lui et entendait ses pensées… Sa surprise face à ceux qui se précipitent au bout de six mois sans grossesse, alors qu’ils font à peine l’amour. Ses encouragements à ceux qui anticipent l’échec au lieu de se donner une chance. Ses doutes face aux hommes qui n’ont pas l’air concernés. Il confie aussi sa détermination à donner les bonnes adresses aux femmes qui partent à l’étranger recevoir un don d’ovocytes, afin qu’elles échappent au tourisme procréatif. Et son humilité : « Je pensais être à l’écoute, j’ai moi-même fait une analyse. Mais je m’aperçois que je ne leur demande pas assez comment ils vivent les tentatives, puis les échecs le cas échéant Faute de temps. » Le lire, c’est comprendre les réactions de son médecin pendant ces consultations où la réalisation de notre désir viscéral d’avoir un enfant repose entre ses mains.
Auteurs :Dr François OLIVENNES et Julie LASTERADE
204 pages
Editeur : Flammarion (15 février 2013)

Le couple face à l’infertilité 

Plus d’un couple sur six rencontre, à un moment de sa vie, des difficultés pour réaliser son désir d’enfant. En demandant l’aide de la médecine, l’homme et la femme s’engagent sur un chemin long et pénible dont il est souvent difficile de sortir indemne. Nourri de vingt ans de pratique médicale et psychologique au service des couples infertiles ainsi que de nombreux témoignages, ce livre propose une approche de l’infertilité centrée sur le couple. Il détaille sans tabous tous les aspects de la difficulté à procréer, évoque la complexité des sentiments et des relations conjugales et aborde avec lucidité les doutes et les espoirs des femmes et des hommes confrontés à la médicalisation de leur désir d’enfant. Les auteurs offrent ainsi une aide précieuse aux couples engagés dans cette extraordinaire aventure humaine.
Auteurs : Dr MIGUEL Jean et PETIT Line

Télévision
Emission « Toute une histoire » - Crise de couple suite à un parcours de P.M.A. – Diffusée le 9 février 2016 :

http://www.france2.fr/emissions/toute-une-histoire/diffusions/08-02-2016_457386

 Documentaire : "Et si on faisait un bébé ?" - France 2 - Mardi 21 février 2017 - 23 h 05 - Durée : 1 h 35 

Emission "Mille et une vies" - "Elles sont devenues mères après un don d'ovocytes" - France 2 - Vendredi 12 mai 2017 - 14 heures - Durée :  1 h 36.

https://tv-programme.com/mille-et-une-vies_emission/replay/mille-et-une-vies_5915bd9f15b61






Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48