samedi 21 mars 2015

Etre femme sans être mère : un choix

Etre femme sans être mère : un choix L’imaginaire collectif a tendance à associer Féminité et Maternité. 
Dans un pays qui compte en moyenne deux enfants par femme et à une époque où la maternité est portée aux nues, le non-désir de maternité est un tabou. Décider de ne pas avoir d’enfant et assumer ce choix est loin d’être une évidence, tant la pression sociale est forte. On peut même aller jusqu’à dire que c’est un choix de vie qui dérange. 

L’enquête FECOND, publiée en 02/2014 par l’I.N.E.D. dans le cadre de son étude « Rester sans enfant, un choix de vie à contre-courant » révèle que 4,3 % des femmes déclarent ne pas vouloir d’enfant. Lors d’une première étude publiée en 2006 en France, on s’aperçoit que 10 % des femmes nées en 1940 n’avaient pas d’enfant. Et celles nées en 1980, seront de l’ordre de 12 % à 16 % à ne pas en avoir.
Cette même enquête révélait qu’au Royaume-Uni, le nombre de femmes sans enfant a augmenté de 100 % en 20 ans. En Allemagne, c’est aujourd’hui 30 % des femmes en état de procréer qui ne le font pas. Il n’existe peu, voire pas du tout, en France, d’associations de personnes sans enfants, contrairement aux pays anglo-saxons où le côté positif de ce choix est davantage accepté, voire valorisé. Il existe d’ailleurs une expression pour qualifier ce choix qui est : « childless fress », c.à.d. « libres et sans enfants » Quelles sont les motivations qui poussent les femmes à choisir de ne pas avoir d’enfant
Colombe Schneck, journaliste et réalisatrice de documentaires, s’est questionnée sur ce sujet et y a consacré un reportage diffusé Vendredi 28 Novembre 2014 sur ARTE. Aux côtés de Charlotte DEBEST, auteure du livre « Le choix d’une vie sans enfant » et de Serge Heffez, Psychiatre, elle s’exprime sur FRANCE INTER dans l’émission « Service Public » diffusée le 26 novembre 2014. Les points communs identifiés chez les femmes (et les hommes) qui souhaitent ne pas avoir d’enfant, sont de trois ordres. 

La première raison évoquée concerne la revendication d’indépendance. La question de la maternité entre en résonnance avec une quête de liberté : liberté à la fois affective et intellectuelle. Elles envisagent un enfant comme un engagement à vie, une responsabilité énorme et sont angoissées à l’idée d’être prises dans un lien qu’elles jugent aliénant. La deuxième raison évoquée, est le fait qu’aujourd’hui, la parentalité a changé, dans le sens où, avec l’apparition de la contraception et de l’I.V.G. on se retrouve devant un choix : celui d’avoir ou ne pas avoir d’enfant. Du même coup, apparaît la notion de Désir d’enfant, (concept apparu avec la limitation des naissances). 

Faire un enfant devient donc un choix rationnel, un choix de conscience. D’où l’idée que si on fait le choix de mettre au monde un enfant, on n’a pas le droit à l’erreur. De plus en plus d’injonctions pèsent sur les épaules des parents, à en croire les très nombreux ouvrages qui paraissent chaque année sur cette question et le fait que de plus en plus de professions se rassemblent autour de la parentalité. Cette responsabilité que certaines jugent écrasante les amène à renoncer à la parentalité

Parfois encore, les motivations sont d’ordre sociétal, voire politique. Jugeant la société dans laquelle on vit, de plus en plus compliquée, certaines font le choix de ne pas peupler la Terre d’un enfant supplémentaire. Mais pour Serge Heffez, psychiatre, c’est plutôt du côté de l’histoire familiale et de la transmission que se joue le désir d’être Mère. Pour lui, c’est un choix hérité de l’enfance. 
Suite à différents entretiens menés auprès des femmes qui ont fait le choix de ne pas être mère (dans le cadre de son étude : « Les femmes sans ombre ou la dette impossible »), Geneviève SERRE, Psychiatre, remarque que les femmes ont souvent le sentiment que pour leur mère, ce choix d’enfant a été plus ou moins imposé. Elle émet donc l’idée que peut-être, elles font le choix que leur mère n’a pas pu faire… 
Quelles que soient les motivations, le documentaire de Colombe Schneck laisse entrevoir qu’il n’est pas nécessaire pour ces femmes d’avoir des enfants pour exister en tant que femmes et être heureuses avec elles-mêmes. Au départ, il n’y a tout simplement pas chez elles, de désir d’enfant. C’est comme ça. Il n’y a pas de raison particulière ou réfléchie qui motive ce choix. C’est une évidence, un point c’est tout. 
Elles ne semblent d’ailleurs à aucun moment le regretter, même lorsque l’heure de l’horloge biologique a sonné. Elles ne manifestent pas de sentiment de manque mais au contraire, celui d’avoir gagné leur liberté et de mener la vie qui leur convient. Ensuite seulement, apparaît le besoin de rationalisation de ce désir ou non désir d’enfant, le besoin de justification, souvent en lien avec le regard jugeant de la société qui ne voit pas ça du même œil. 

 « Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ? » 
« Tu dis ça, mais c’est parce que tu es trop jeune en fait… » 
« C’est parce que tu n’as pas encore trouvé la bonne personne » 
« Et comment vas-tu faire quand tu seras vieille… » 

Neuf fois sur dix, ces remarques proviennent des femmes. La pression sociale reste forte effectivement à tous les âges mais se trouve accrue au moment de pleine fécondité, c’est-à-dire entre 25 ans et 35 ans, révèle l’enquête de l’I.N.E.D. Ce choix jugé égoïste (ne pas avoir d’enfant, c’est passer pour une femme qui préfère sa carrière à Etre Mère), est souvent mal perçu. Et il n’est pas rare que l’entourage essaie de faire changer d’avis ou de convaincre ces femmes, tant celui-ci est persuadé qu’elles sont en train de passer à côté de leur vie : un jour ou l’autre elles vont le regretter… ou qu’elles ont un problème psychologique, un traumatisme qui les amène à poser ce choix. L’absence d’enfant renvoie en effet à un dysfonctionnement, qu’il soit d’ordre médical ou affectif. Ce sont parfois les parents qui se remettent en question, se demandant s’ils ont raté quelque chose dans leur éducation…Après 35 ans, l’entourage se demande si c’est véritablement tant que ça un choix ou si c’est une situation subie. Le sujet devient donc plus tabou car on doute de si la femme en souffre ou pas. 

Elles n’ont alors plus besoin de se justifier… 

Mais heureusement, la médiatisation de ce choix (au travers d’émissions radiophoniques ou télévisées), la parution d’études qui s’intéressent à cette question et la publication de nombreux ouvrages sur ce sujet a libéré la parole des femmes, leur permettant ainsi d’affirmer leur choix, non plus comme une revendication, mais une option de vie tout simplement. 



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Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse

• Etude « Les femmes sans ombre, ou la dette impossible » de Geneviève Serre, psychiatre, publiée dans la revue L’autre : volume 3, n° 2 – 2002 – pp. 247-256 

• Etude de l’I.N.E.D. (Institut National des Etudes Démographiques) parue en Février 2014 : « Rester sans enfant, un choix de vie à contre-courant – Enquête FECOND » 


Emission de télévision : « Femmes sans enfant, femmes suspectes » - Réalisée par Colombe Schneck – Diffusée le 28 novembre 2014 à 23 h 15 sur ARTE 
https://www.youtube.com/watch?v=UOvOO9RnRY4 
* Emission "Toute une histoire" Diffusée le 4 mars 2016 : "Elles n'ont pas l'instinct maternel".

• « Et toi tu t'y mets quand? » - Myriam Levain – Edit. Flammarion – 2018 – 239 p – 19 € 

• « Libre à elle, le choix de ne pas être mère » - Laurence Santantonios – Edit Mauconduit – 2018 – 200 p – 18,50 €

• « Ils vécurent heureux et n'eurent pas d’enfant » - Meghan Daum – Edit Kero – 2019 – 270 p – 18 € 



Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48