dimanche 17 janvier 2016

La paternité tardive ou Devenir père à l’âge d’être grand-père

Course effrénée contre la montre ? Accès de jeunisme ? Force est de constater que la paternité tardive a le vent en poupe. Les médias se chargent de nous en faire l’éloge à travers des modèles tels que Jean Réno, Nicolas Sarkozy (qui, à 60 ans et déjà grand-père, est papa d’une petite fille de 4 ans) ou encore Johnny Halliday ou Julien Clerc (eux aussi, pères et grands-pères).


Biologiquement, un homme peut être père tout au long de sa vie. D’aucun jugeront d’ailleurs que c’est un privilège injuste de la nature, que de leur permettre de donner la vie si tard, alors que les femmes sont, elles, contraintes par leur âge biologique.
En France, on qualifie la paternité tardive au-delà de 45 ans. Selon l’I.N.E.D. (Institut National des Etudes Démographiques), 5 % des hommes sont pères après 45 ans, soit quasiment trois fois plus qu’en 1980. Cette paternité tardive s’explique essentiellement par l’entrée de plus en plus tardive dans la vie de couple et par les recompositions familiales de plus en plus nombreuses après 45 ans.

Mais, même si la paternité tardive s’explique en grande partie par les mutations de notre société, ce n’est pas pour autant qu’elle échappe à la critique et au regard jugeant de l’entourage.

Et selon vous, devenir père à l’âge d’être grand-père, est-ce un acte irresponsable et égoïste ou bien cela relève-t’il d’un acte conscient et mûrement réfléchi ?
Si la question de la paternité tardive se pose, c’est bien souvent (mais pas seulement…) parce que l’on est en train de vivre une nouvelle histoire d’amour et que cette naissance est envisagée comme un acte venant sceller et concrétiser ce bonheur. Dans la majorité des cas, cette naissance a donc toutes les chances de survenir dans un contexte très favorable sur le plan de la relation de couple.

A 50 ans (ou plus), on a parfois déjà une expérience antérieure de la paternité dont on pourra se servir. Forts de cette maturité et de cette expérience de vie, les priorités qu’on se fixe ne sont plus les mêmes. On a aussi souvent plus de temps à consacrer à ce nouveau rôle. On se sent plus disponible. Il faut prendre en compte également le fait qu’à cet âge, on est généralement bien plus en forme sur tous les plans, qu’on ne l’était il y a encore quelques décennies ; sans compter que l’âge ne fait pas tout. Certains hommes en effet, sont « pantouflards » à 40 ans, tandis que d’autres sont encore très actifs à 60 ans. Quoiqu’il en soit, devenir père, sur le tard, est un défi permanent, dans la mesure où l’on s’oblige souvent à tout faire pour continuer à « être dans le coup » pour pouvoir  évoluer en phase avec son enfant.
D’ailleurs cette nouvelle disponibilité n’est pas toujours au goût des grands enfants qui ne manqueront peut-être pas de vous reprocher le fait d’avoir été moins présents quand ils étaient petits. Du reste, il peut être difficile à vivre pour eux, de voir leur père se remettre à pouponner, alors que c’est à leur tour de devenir parents. Cela chamboule l’ordre normal des choses et l’entourage, la famille, les enfants plus âgés, ne voient pas toujours cela d’un bon œil !

Mais la question la plus cruciale qui se pose pour le père au moment de concevoir un enfant et qu’il estime qu’il est peut-être tard pour cela, est de savoir s’il sera encore là pour le voir grandir cet enfant, et si celui-ci pourra toujours compter sur lui lorsqu’il en aura besoin. Il semblerait toutefois, selon Jean Le Camus, professeur de psychologie à l’université de Toulouse, que « ce sentiment de fuite du temps soit plus une angoisse pour les pères que pour les enfants. Pour l’enfant qui grandit, voir son père vieillir puis disparaître trop tôt n’est pas source d’angoisse, (si tant est qu’on ne soit pas dans les extrêmes) ». Il le voit vieillir et changer exactement de la même manière qu’il voit vieillir et changer sa mère ou n’importe qui dans son entourage. Cela fait partie de l’ordre des choses. Cependant, du point de vue de l’enfant, les choses ont tendance à se compliquer avec l’entrée à l’école. Si pour lui, le père est avant tout son papa quel que soit son âge, les camarades de classe, voire les adultes ne manqueront pas de lui rappeler que son père n’est pas tout à fait comme les autres. Et le jour où immanquablement, ses petits copains lui demanderont pourquoi c’est son papy qui vient le chercher à l’école, si jusque-là, il ne s’était pas posé de question, il faudra s’attendre à répondre à cette question…
 Par ailleurs, des difficultés risquent de surgir au moment de l’adolescence, période où il est déjà difficile de se comprendre avec une génération d’écart, alors deux… 
Si du point de vue de la nature, l’homme peut être père à tous âge, qu’en est-il si le couple se trouve confronté à la Procréation Médicalement Assistée ? Selon l’Agence de Biomédecine, « l’homme et la femme formant couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. ». Comment définir pour un homme « l’âge de procréer » ? Le texte de loi ne donne pas plus de précision que cela et la limite est donc laissée à la discrétion des centres d’A.M.P (centres d’Aide Médicale à la Procréation) qui étudient la plupart du temps cette question au cas par cas.

Par ailleurs, la recherche médicale montre qu’une paternité tardive ne serait pas totalement sans conséquences sur la santé de l’enfant à naître. Trois études ont été publiées (Harvard-MIT Broad Institute//Université de Yale//Université de Washington) mettant en avant que l’âge du père aurait notamment un impact sur les problèmes d’autisme (même si la part génétique reste importante). La paternité tardive aurait aussi un impact sur le risque de fausses-couches, sur le risque d’accouchements prématurés ou de malformations congénitales (Rémy Slama – Chercheur à l’INSERM – Etude  parue en 2012 dans l’American Journal of Epidemiology)

Décider de devenir parent est avant tout un acte d’amour. Nul ne peut définir (à part soi-même) quand c’est le bon moment ou à partir de quel âge, il n’est plus « convenable » de devenir père. Pour Bernard This, Psychiatre et Psychanalyste, « la paternité tardive n’est ni bien ni mal. Tout dépend comment on envisage cette paternité ».
La crainte souvent évoquée de manquer de temps pour mener à bien ce projet est largement compensée par le désir de créer une relation de qualité avec son enfant.  Et pour cela, il n’y a pas d’âge !






Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :

  • « Parents après 40 ans » – Bessin Marc et Levilain Hervé – Revue « Autrement » Editée par l’U.N.A.F. – 2012 – 189 p – 19 €
  • Roman « Les jours Areuh » - François d’Epenoux – Ed° Anne Carrière EDS – 01/2016 – 230 p – 18 €
Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble

cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48