Course effrénée contre la montre ? Accès de jeunisme ?
Force est de constater que la paternité tardive a le vent en poupe. Les médias
se chargent de nous en faire l’éloge à travers des modèles tels que Jean Réno, Nicolas
Sarkozy (qui, à 60 ans et déjà grand-père, est papa d’une petite fille de 4
ans) ou encore Johnny Halliday ou Julien Clerc (eux aussi, pères et
grands-pères).
Biologiquement, un homme peut être père tout au long de sa
vie. D’aucun jugeront d’ailleurs que c’est un privilège injuste de la nature,
que de leur permettre de donner la vie si tard, alors que les femmes sont,
elles, contraintes par leur âge biologique.
En France, on qualifie la paternité tardive au-delà de 45
ans. Selon l’I.N.E.D. (Institut National des Etudes Démographiques), 5 % des
hommes sont pères après 45 ans, soit quasiment trois fois plus qu’en 1980.
Cette paternité tardive s’explique essentiellement par l’entrée de plus en plus
tardive dans la vie de couple et par les recompositions familiales de plus en
plus nombreuses après 45 ans.
Mais, même si la paternité tardive s’explique en grande
partie par les mutations de notre société, ce n’est pas pour autant qu’elle
échappe à la critique et au regard jugeant de l’entourage.
Et selon vous, devenir père à l’âge d’être grand-père,
est-ce un acte irresponsable et égoïste ou bien cela relève-t’il d’un acte
conscient et mûrement réfléchi ?
Si la question de la paternité tardive se pose, c’est bien
souvent (mais pas seulement…) parce que l’on est en train
de vivre une nouvelle histoire d’amour et que cette naissance est envisagée
comme un acte venant sceller et concrétiser ce bonheur. Dans la majorité des
cas, cette naissance a donc toutes les chances de survenir dans un contexte
très favorable sur le plan de la relation de couple.
A 50 ans (ou plus), on a parfois déjà une expérience
antérieure de la paternité dont on pourra se servir. Forts de cette maturité et
de cette expérience de vie, les priorités qu’on se fixe ne sont plus les mêmes.
On a aussi souvent plus de temps à consacrer à ce nouveau rôle. On se sent plus
disponible. Il faut prendre en compte également le fait qu’à cet âge, on est
généralement bien plus en forme sur tous les plans, qu’on ne l’était il y a
encore quelques décennies ; sans compter que l’âge ne fait pas tout. Certains
hommes en effet, sont « pantouflards » à 40 ans, tandis que d’autres
sont encore très actifs à 60 ans. Quoiqu’il en soit, devenir père, sur le tard,
est un défi permanent, dans la mesure où l’on s’oblige souvent à tout faire
pour continuer à « être dans le coup » pour pouvoir évoluer en phase avec son enfant.
D’ailleurs cette nouvelle disponibilité n’est pas toujours au
goût des grands enfants qui ne manqueront peut-être pas de vous reprocher le
fait d’avoir été moins présents quand ils étaient petits. Du reste, il peut
être difficile à vivre pour eux, de voir leur père se remettre à pouponner,
alors que c’est à leur tour de devenir parents. Cela chamboule l’ordre normal
des choses et l’entourage, la famille, les enfants plus âgés, ne voient pas
toujours cela d’un bon œil !
Mais la question la plus cruciale qui se pose pour le père
au moment de concevoir un enfant et qu’il estime qu’il est peut-être tard pour
cela, est de savoir s’il sera encore là pour le voir grandir cet enfant, et si
celui-ci pourra toujours compter sur lui lorsqu’il en aura besoin. Il
semblerait toutefois, selon Jean Le Camus, professeur de psychologie à
l’université de Toulouse, que « ce sentiment de fuite du temps soit plus
une angoisse pour les pères que pour les enfants. Pour l’enfant qui grandit,
voir son père vieillir puis disparaître trop tôt n’est pas source d’angoisse, (si
tant est qu’on ne soit pas dans les extrêmes) ». Il le voit vieillir et
changer exactement de la même manière qu’il voit vieillir et changer sa mère ou
n’importe qui dans son entourage. Cela fait partie de l’ordre des choses.
Cependant, du point de vue de l’enfant, les choses ont tendance à se compliquer
avec l’entrée à l’école. Si pour lui, le père est avant tout son papa quel que
soit son âge, les camarades de classe, voire les adultes ne manqueront pas de
lui rappeler que son père n’est pas tout à fait comme les autres. Et le jour où
immanquablement, ses petits copains lui demanderont pourquoi c’est son papy qui
vient le chercher à l’école, si jusque-là, il ne s’était pas posé de question,
il faudra s’attendre à répondre à cette question…
Par ailleurs, des
difficultés risquent de surgir au moment de l’adolescence, période où il est déjà
difficile de se comprendre avec une génération d’écart, alors deux…
Si du point de vue de la nature, l’homme peut être père à
tous âge, qu’en est-il si le couple se trouve confronté à la Procréation
Médicalement Assistée ? Selon l’Agence de Biomédecine, « l’homme et
la femme formant couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir
préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. ». Comment
définir pour un homme « l’âge de procréer » ? Le texte de loi ne
donne pas plus de précision que cela et la limite est donc laissée à la
discrétion des centres d’A.M.P (centres d’Aide Médicale à la Procréation) qui
étudient la plupart du temps cette question au cas par cas.
Par ailleurs, la recherche médicale montre qu’une paternité
tardive ne serait pas totalement sans conséquences sur la santé de l’enfant à
naître. Trois études ont été publiées (Harvard-MIT Broad Institute//Université
de Yale//Université de Washington) mettant en avant que l’âge du père aurait
notamment un impact sur les problèmes d’autisme (même si la part génétique
reste importante). La paternité tardive aurait aussi un impact sur le risque de
fausses-couches, sur le risque d’accouchements prématurés ou de malformations
congénitales (Rémy Slama – Chercheur à l’INSERM – Etude parue en 2012 dans l’American Journal of
Epidemiology)
Décider de devenir parent est avant tout un acte d’amour.
Nul ne peut définir (à part soi-même) quand c’est le bon moment ou à partir de
quel âge, il n’est plus « convenable » de devenir père. Pour Bernard
This, Psychiatre et Psychanalyste, « la paternité tardive n’est ni
bien ni mal. Tout dépend comment on envisage cette paternité ».
La crainte souvent évoquée de manquer de temps pour mener à
bien ce projet est largement compensée par le désir de créer une relation de
qualité avec son enfant. Et pour cela,
il n’y a pas d’âge !
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Et pour aller plus loin, si ce sujet vous
intéresse :
- « Parents après 40 ans » – Bessin Marc et Levilain Hervé – Revue « Autrement » Editée par l’U.N.A.F. – 2012 – 189 p – 19 €
- Roman « Les jours Areuh » - François d’Epenoux – Ed° Anne Carrière EDS – 01/2016 – 230 p – 18 €
Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48
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