jeudi 9 juillet 2015

Quelles croyances et mythes projetons-nous sur la relation de couple ?

(Cet article est inspiré du dossier « Couple : en attendez-vous trop ? – 6 mythes qui nous égarent » - Psychologie Magazine – Janvier 2015)

« Nos histoires d’amour sont influencées par des croyances qui nous empêchent de savourer ce que nous vivons ». Patricia Delahaie – Psychosociologue.

Mais quels sont ces mythes ?
Pour Patricia Delahaie, ils sont au nombre de six.



·         Le mythe de la bonne personne (ou « Quelqu’un m’attend quelque part »)
Illustré par nos contes de fées, selon lequel chacun(e) aurait un(e) Prince(sse) qui l’attend quelque part. Ce mythe est solidement ancré dans notre inconscient collectif. Chacun cultive en effet, le secret espoir de rencontrer ou plutôt retrouver la personne qui viendra mettre fin à notre sentiment d’incomplétude (tout comme lorsque, nourrissons, notre mère jouait ce rôle en prenant en charge notre besoin de nourriture, de soins et d’amour, mythe de l’incomplétude, cher à Platon). Si cette quête nous propulse dans un élan positif en étant moteur de notre désir elle peut tout autant s’avérer limitante. En effet, si le « portrait-robot » fiché dans notre inconscient est trop « déterminé » cela peut nous priver de belles rencontres pour peu qu’elles ne s’inscrivent pas dans notre « programme ». Mieux vaut alors partir du principe qu’il existe plusieurs « bonnes personnes » et non pas une seule censée représenter tout ce que l’on attend de l’autre à tous les âges de la vie. N’oublions pas que nous cheminons et évoluons continuellement. Nos histoires d’amour participent d’ailleurs à notre transformation. C’est pourquoi il peut y avoir plusieurs relations amoureuses différentes au cours de notre vie, qui n’ont pas toutes le même sens selon la période où elles prennent naissance.

·         Le mythe du bon (ou du mauvais) timing (ou « Avant l’heure ce n’est pas l’heure ; après non plus »)
Dans une société où l’on est sans cesse en train de courir après le temps et où règne en toile de fond la peur de passer à côté de sa vie ou de faire le mauvais choix, le mythe du timing est particulièrement rémanent. Il est de bon ton par exemple, après une rupture récente de s’accorder un temps de convalescence. Dans cet état d’esprit, démarrer une nouvelle relation trop tôt serait nécessairement vouée à l’échec, considérant qu’il s’agirait d’une « liaison-pansement » amenée à ne durer que le temps de la convalescence amoureuse. Entamer une nouvelle relation passé ce temps de convalescence serait un gage de pérennité. Il faut en réalité faire confiance à son propre ressenti. Le bon timing est propre à chacun. Des relations durables peuvent voir le jour à l’ombre d’événements jugés défavorables tels un deuil ou tout autre accident de la vie. L’inverse étant également avéré.


·         Le mythe de l’amour sous contrôle (ou « le couple, c’est du travail ! »)
La relation de couple s’apparente de plus en plus à un projet professionnel dans un monde où les contrats ont tendance à prendre la forme de CDD. Alors pour que le couple dure, il va falloir cravacher ! Se fixer des objectifs, utiliser les bons instruments. La palette d’outils proposés dans le cadre de stages de développement personnel divers et variés devrait nous en garantir l’épanouissement. Ainsi, chacun est acteur et maître de son Destin. A charge pour nous de faire des efforts et de travailler au développement de notre relation. Certes, mais le désir et l’amour participent-ils aux mêmes règles ? Selon cette croyance, l’amour est sous contrôle. Alors à nous de mettre tout en œuvre pour le faire durer. N’oublions pas cependant la dimension inconsciente dans les sentiments, dans laquelle s’inscrit le désir. Rappelons-nous que la relation de couple n’est pas linéaire. Le désir est fluctuant et échappe à notre raison. Ces fluctuations sont le fait d’un couple vivant et nécessitent des ajustements permanents. Il ne s’agit pas d’un travail en force mais plutôt d’une adaptation souple et continuelle favorisée par l’échange et la communication.

·         Le mythe de la fusion ( ou « Un plus un = Un »)
Ce mythe, inspiré lui aussi de PLATON, confirmé par le célèbre psychanalyste D.W. WINICOTT, s’agissant de la fusion totale du nourrisson avec sa mère dans les premiers instants de la vie, continue son œuvre dans le cadre du couple. Le fantasme de fusion des corps et des cœurs avec l’être aimé a la vie dure. A l’heure où règne un climat d’insécurité sur le plan socio-économique, cette projection dans la fusion avec l’autre nous sécurise sur le plan existentiel. On a besoin de croire que l’autre ne nous quittera jamais et que l’on va pouvoir bâtir quelque chose de solide ensemble. Cette croyance est non seulement un leurre mais elle appauvrit la relation. En effet, pour être « relié » à l’autre, il faut justement qu’il y ait un minimum de distance qui nous sépare de l’être aimé ; sans quoi, le JE comme entité individuelle est complètement absorbée dans le NOUS comme entité unique. On fait alors le vide autour de soi car on se suffit à nous-mêmes. Mais cela ne dure qu’un temps. Et il n’est pas certain du reste, que cette attitude fusionnelle suffise à mettre en place un sentiment profond de sécurité, qui reste une illusion. Et que fait-on ensuite lorsqu’on s’aperçoit que cet état fusionnel retombe ? Certains ne le supportent pas. Ils multiplient alors les conquêtes pour ne se satisfaire que de ce sentiment fusionnel des débuts.
Faisons toutefois la distinction entre le désir de fusion que tout un chacun peut être amené à ressentir au début d’une relation et qui n’est pas amené à durer ; chacun réinvestissant progressivement ses domaines d’activités propres, et la fusion comme modèle de couple souvent guidé par la peur : peur de perdre l’autre.

·         Le mythe de l’amour-miroir (ou qui se ressemble vraiment, s’assemble longtemps…)
Ce mythe trouve sa source dans l’histoire de Narcisse tombant amoureux de son reflet. Cette croyance est entretenue aujourd’hui par les sites de rencontres et leurs critères d’élection de l’âme-sœur, qui laissent à penser que pour trouver son double parfait, il suffit de sélectionner les bons critères d’affinités et de ressemblances. Pour ne pas prendre trop de risque, mieux vaut s’unir à un double qui nous ressemble : qui vient du même milieu social que le nôtre et avec qui on partage les mêmes désirs et les mêmes valeurs. Au moins, on est certains de ne pas être déçu et de ne pas se tromper. Si cette croyance incite chacun des partenaires à prendre le temps de bien se connaître l’un  et l’autre en profondeur elle ne les incite guère à partir à la découverte de « l’étranger » dont la différence est pourtant source de curiosité et de désir. Tout dépend où l’on place le curseur. Certes, mieux vaut quand-même avoir des centres d’intérêts communs, des valeurs communes et se projeter de manière assez semblable dans l’avenir. Attention toutefois à ce que l’autre reste suffisamment « différent » pour susciter et maintenir la curiosité et générer un minimum d’insécurité nécessaire au maintien du désir.

·         Le mythe de l’amour comme outil de développement personnel (ou « connais-toi, toi-même pour mieux aimer »)
Ce mythe inspiré de SOCRATE (Connais-toi, toi-même) est un des fondamentaux du Développement personnel. L’idée est que pour que nous puissions nouer des relations amoureuses saines et durables, il nous faut faire toute la lumière sur le Passé et débusquer en même temps tous nos conditionnements et dysfonctionnements. Certes, cela ne peut faire de mal de faire un peu de nettoyage en se penchant sur notre passé tout en clarifiant nos attentes présentes. Cela nous remet en face de nos responsabilités dans la relation amoureuse. Cette croyance peut toutefois se montrer culpabilisante dans la mesure où face à un échec ou une déception, cela reviendrait à penser que comme le bon couple se mérite, c’est que l’on n’a pas suffisamment travaillé sur soi. Il n’empêche qu’il peut s’avérer utile de faire un travail sur soi, surtout si on constate que l’on reproduit certains scénarios (choix du partenaire, ou certains types de comportements) sources de souffrances.
Un travail sur soi permet aussi de faire le point sur ses besoins et désirs profonds en matière de vie amoureuse. Qu’attendons-nous de l’autre et de la relation ? Quels sont nos projets de vie ? Notre relation a-t-elle toujours (ou encore) du sens et comment s’insère-t-elle dans ces projets ?




Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
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