Aujourd’hui,
modernité oblige, on se rencontre sur Meetic, on se like sur Facebook et on se
quitte par simple texto. Le mail et le S.M.S. sont en effet devenus des moyens
pratiques pour qui veut rompre en se réfugiant derrière un écran.
Abandonner
sans regarder, ne pas voir le regard éperdu de celui ou celle qu’on délaisse,
semble a priori plus confortable, explique Bruno Humbeek, psychopédagogue. "Cette
manière de procéder permet de se voiler la face en échappant à celle de
l’autre. En ne se confrontant pas à son regard, on diminue le risque de se
laisser infléchir par ses réactions". Dès fois que, par contagion empathique,
notre humanité serait mise à mal…
Ainsi, le
téléphone (ou Internet) permettrait de se désengager sans trop de danger. Pas
certain que ce soit aussi simple. En effet, une fois le texto expédié, cela
n’empêche nullement notre imagination de faire son œuvre : les larmes
réelles auxquelles on a pensé échapper vont vite être remplacées par celles que
nous imaginons. Et ces pensées risquent d’être omniprésentes. Le bénéfice
engrangé par cette attitude de fuite, risque alors d’être de courte durée…
Que dire de
celui (ou celle) qui fait l’objet de cette rupture expéditive ? Il (elle)
se retrouve seul(e) face à cette annonce, démuni(e) et ne sachant comment
réagir, vu que le (la) principal(e) intéressé(e) n’est pas là pour en discuter…Impossible
de réagir en direct ou d’exprimer sa colère face à l’autre. Cette pratique
risque fort de l’amener à se percevoir comme quantité négligeable dont on peut
se débarrasser d’un simple coup de pouce. Inutile de dire que pour l’estime de
soi, l’effet est dévastateur.
Gérer une
rupture amoureuse n’est jamais simple et les réseaux sociaux ne facilitent pas
la tâche. Ils ont changé en effet, notre façon de vivre la rupture. Il ne
suffit pas d’appuyer sur la touche « delete » de son ordinateur pour
faire disparaître totalement l’autre de sa vie. Autrefois, lorsqu’on rompait,
il suffisait de ne plus se voir, se téléphoner ou s’écrire. Mais les choses se
compliquent un peu aujourd’hui, à l’heure du « tout numérique ».
« Plus nous sommes liés à une personne, plus elle est investie dans nos
vies 2.0 » souligne Yann Leroux, Psychologue. La vie à deux étant figée
dans l’historique de sa vitrine numérique, la Toile nous empêche d’accomplir
sereinement notre travail de deuil amoureux. Nous sommes confrontés à la
nécessité de devoir instaurer un nouveau rituel de séparation, apprivoiser des
nouveaux codes post-rupture. Aujourd’hui, la séparation ne doit plus seulement
être vécue sur le plan physique, il faut également faire le ménage dans son
existence virtuelle. Tout le travail psychique du deuil consiste à accepter que
l’autre disparaisse » souligne Mickaël Stora, Psychologue. Il va donc
falloir accepter de retirer son ex-compagnon (ex-compagne) de ses contacts,
oter toutes les photos de couple avec lui (elle) et
autres traces sur notre mur. Pour tourner la page, il faut passer au mode
« bloquer ». Tout ce qui nous rappelle son image empêche en effet de
cicatriser. De même que maintenir un contact via les réseaux sociaux complique
le processus de guérison. « Il est d’ailleurs préférable que la personne
quittée supprime tout avant l’autre » conseille Lisa Letessier,
Psychologue. « Car dans la situation inverse, cela peut être humiliant ou
dévalorisant. En outre, la personne quittée peut se sentir dépossédée de son
rituel de deuil ». Pour la même raison, mieux vaut passer son statut
Facebook de « En couple » à « Célibataire » en premier.
Nombreux cependant, sont ceux qui se braquent à l’idée de se déconnecter,
souligne encore Lisa Letessier (Psychologue). « Une rupture, c’est comme
une petite mort. Cela renvoie à des angoisses archaïques. Lorsqu’on supprime
l’autre de Facebook (de même lorsqu’on se voit supprimé), on annule l’existence
de l’autre. On lui adresse le message suivant : « Pour moi, tu es
mort virtuellement. Cela peut être vécu violemment ».
Attention
toutefois après la rupture, à la tentation d’espionner la vie de son ex via les
réseaux sociaux.
Selon une étude réalisée en 2012 par
Véronika Lukacs, auteur d’une thèse intitulée : « Ruptures amoureuses
et leurs conséquences sur Facebook », 90 % des utilisateurs de Facebook se
servent du réseau social afin de garder un œil sur leur ex. Il peut être en
effet très tentant de regarder par les fenêtres du web pour deviner le
quotidien de son ex et spéculer sur ses états d’âme. « Nous succombons à
la tentation de fouiller dans la vie de l’autre car nous n’avons plus de
contrôle sur lui » souligne Yann Leroux (Psychologue). Facebook favorise
en cela, l’observation passive, ou « suivi flottant ».On ressent un
plaisir diffus alimenté par le sentiment de pouvoir maîtriser un peu ce que
l’autre devient, loin de soi. Mais attention, cette tentation d’épier l’autre
peut être à double-tranchant : on peut être rassuré à l’idée de constater
qu’il (elle) ne se remet pas si bien que ça de la rupture. Mais on prend aussi
le risque de constater qu’il (elle) s’accommode très bien de la séparation. Et
même de se voir le témoin de son bonheur affiché avec son nouveau copain (sa
nouvelle copine) sur les réseaux sociaux. Face à cette nouvelle existence
fabuleuse, il peut être tentant de renchérir en se mettant soi-même en scène dans
une posture encore plus fabuleuse, alors que dans la réalité on peine à se
remettre de cette rupture. Continuer à espionner son profil frise alors parfois
le masochisme. Cette descente aux enfers prend des allures de cyber-torture. Et
l’on risque d’entrer dans une compétition malsaine, alimentée par des
commentaires et des photos équivoques mais créés de toute pièce pour ne pas
perdre la face et blesser l’autre à hauteur de notre blessure.
On l’a vu, maintenir le contact via
les réseaux sociaux complique le processus de guérison. Cela revient à subir
sans cesse une piqûre de rappel de sa vie passée et empêche le travail de deuil
de s’accomplir complètement.
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Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48
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