samedi 30 août 2014

Devenir beau-père, devenir belle-mère

Un enfant sur dix, soit 1,5 millions de mineurs vivaient en 2011 dans une famille recomposée selon l’INSEE.

Décider un jour de partager sa vie avec une personne ayant déjà des enfants nés d’une première union n’est pas une décision que l’on prend à la légère. Beaucoup de doutes et d’interrogations se dessinent avant de franchir ce pas : serai-je capable d’aimer des enfants qui ne sont pas les miens ? Vais-je réussir à me faire accepter ? Quelle sera ma place auprès d’eux et dans leur éducation ? Et bien d’autres encore…




Ca y est, vous avez décidé de franchir le pas et d’emménager ensemble sous le même toit. L’un de vous deux (ou les deux) a déjà des enfants. Même si ce n’est pas aux enfants de décider de la vie privée de leurs parents dans la mesure où il ne leur appartient pas de valider votre choix amoureux, ils sont quand-même concernés par ce qui va être un changement important pour eux aussi. On peut même dire que c’est un second bouleversement après la séparation de leurs parents. Il va donc falloir faire preuve de beaucoup de tact et agir en douceur. Plus vous aurez préparé le terrain, plus vous augmentez les chances que cette rencontre se fasse dans les meilleures conditions. Commencez tout d’abord par lui annoncer que vous avez rencontré quelqu’un et que vous souhaitez que cette personne partage votre vie. Contrairement à vous, il n’a pas choisi votre nouveau conjoint. Alors attendez-vous à ce qu’il ne soit pas transporté de joie à cette nouvelle et entendez ses questions, ses craintes, ses a priori. Parlez-en longuement avec lui et rassurez-le au besoin. Quel que soit l’âge des enfants, cette situation est génératrice d’angoisse avec en tête des préoccupations cette question obsédante : « Vais-je garder la même place dans le cœur de mes parents ? »
Signifiez-lui clairement que votre nouveau compagnon (compagne) ne prendra pas sa place ni celle de son père (ou de sa mère).

Faites en sorte que chacun puisse s’apprivoiser en douceur. : organisez une première
rencontre autour d’un repas ou d’une activité ensemble, puis d’un week-end. Apprenez à vivre ensemble en partageant des moments de plus en plus longs. Vous pouvez même envisager une période d’essai avant de déménager vos valises définitivement.
 Quoi qu’il en soit, ne mettez pas la pression sur votre conjoint, encore moins sur votre enfant en le questionnant sitôt après la première rencontre pour savoir ce qu’il en a pensé. Il ne s’agit pas d’un examen de passage. Sans compter que le sentiment de toute-puissance qui reposerait alors sur les épaules de votre enfant serait préjudiciable à son équilibre. Il faut au contraire qu’il sache qu’il n’est pas obligé d’accepter d’emblée votre nouvelle compagne (nouveau compagnon) comme beau-parent, ni même de l’aimer…
Il faut du temps à un enfant pour accepter de créer un lien avec un adulte. Alors, évitez de vous montrer trop intrusif(ve). Au contraire, faites preuve de tact et armez-vous de patience pour conquérir peu à peu cette place de beau-père ou de belle-mère. En réalité, vous vous rendrez compte que c’est la vie commune qui va dans un deuxième temps dessiner peu à peu cette place grâce à votre participation aux activités quotidiennes (surtout s’il s’agit d’enfants en bas âge) : préparation des repas communs, bain, accompagnement à l’école, aide aux devoirs, etc.
 Il faut laisser le temps au temps. C’est en effet, en apprenant à vous connaître de part et d’autre et en partageant le quotidien que le lien d’attachement pourra se construire peu à peu.
. Evitez dans un premier temps les rapprochements intimes devant lui ou les éloges trop appuyés sur votre nouveau partenaire. Cela pourrait l’angoisser et l’amener à penser que ces compliments disqualifient son père ou sa mère.

Une fois installé(e) dans cette nouvelle famille,  il est important pour l’enfant que votre place soit clairement définie. Votre rôle n’est pas de jouer au « copain » ou à la « copine » avec lui mais bien de vous positionner en tant qu’adulte, et à ce titre, en charge d’une certaine autorité et d’un devoir de protection à son égard. Plus cette place sera clairement définie, mieux cela permettra à l’enfant de se structurer et d’accepter ces changements familiaux. Attention, il ne s’agit pas de remplacer le parent manquant. Que vous occupiez cette nouvelle place suite à une séparation ou un veuvage, l’enfant est toujours le fruit de l’union de ses deux parents, où qu’ils soient aujourd’hui.
 Quant à vous, si votre place est unique, elle n’a rien d’une évidence. Il ne s’agit en aucun cas de calquer votre place sur celle du parent manquant mais bien de créer, inventer votre place à vous en fonction de l’investissement que vous souhaitez engager au sein de cette nouvelle famille et de ce que les enfants auront besoin de trouver auprès de vous.
Cette place sera aussi définie en fonction du statut que votre conjoint souhaitera vous octroyer auprès des enfants. Désire t’il que vous vous impliquiez clairement dans l’éducation ou que vous n’y preniez pas part directement et restiez plus en retrait ?
Quoiqu’il en soit, même s’il appartient aux parents légitimes de fixer les grands principes d’éducation, dans la mesure où vous vivez au quotidien avec les enfants de votre conjoint (ou même s’ils ne sont présents que de temps en temps) vous serez tôt ou tard mêlé(e) aux questions éducatives. Dans ce domaine aussi, il faut y aller en douceur. Si en tant que beau-père ou belle-mère, vous êtes apprécié(e) de l’enfant, s’il y a de l’affection et de l’estime entre vous, le respect des règles passera plus facilement. Sinon, il sera peut-être préférable, dans un premier temps, que ce soit son père (ou sa mère) qui fixe les règles éducatives.et que vous interveniez dans un deuxième temps, une fois votre position mieux établie et acceptée. Ceci dit, l’enfant n’est pas toujours prêt à admettre l’autorité de son beau-parent et ne se privera pas de vous rappeler que : « D’abord, t’es pas mon père ! » ou « T’es pas ma mère ! »… Il est nécessaire dans ce cas, que votre conjoint(e) légitime cette autorité et qu’aux yeux des enfants, vous fassiez alliance avec votre partenaire sur la question de l’autorité.
Une famille recomposée, c’est aussi la rencontre de deux cultures et donc de deux façons de vivre différentes. Aussi va t’il falloir s’entendre et harmoniser les règles de conduites entre tous les enfants (c’est d’autant plus vrai si chacun a déjà des enfants de son côté). Les règles de vie commune propres à cette nouvelle famille recomposée doivent être clairement énoncées et respectées par tous, et ceci, même si les enfants ne sont là que le week-end. A charge de chacun des conjoints de les faire appliquer.
Quelle que soit votre implication sur le plan éducatif, les enfants vous doivent le respect et l’obéissance. C’est très important de le rappeler.
Par contre, si l’on se doit le respect mutuel, on n’est pas obligés de s’aimer. Attention à l’image parfois véhiculée par les médias de la grande fratrie recomposée où l’amour triomphe de toutes les difficultés. Bien des familles ne s’y reconnaissent pas naturellement, et culpabilisent d’être loin de ce modèle inatteignable. Cela ne signifie pas que c’est impossible mais avant d’en arriver là, la plupart a du surmonter des périodes de crises  Inévitables (mais ça, ce n’est pas dit dans l’histoire…)
. En effet, l’amour n’est pas un sentiment qui se commande. Aussi, mieux vaut accepter l’idée que vous ne pouvez pas d’emblée aimer vos beaux-enfants comme s’il s’agissait de vos propres enfants. Inutile donc de vous culpabiliser si cet amour n’est pas spontané. On ne peut pas forcer les sentiments. En revanche, plus vous accepterez l’idée que vous n’êtes pas dans l’obligation de les aimer, plus vous aurez de chance de voir naitre cet amour au fur et à mesure que les relations se mettront en place. On ne peut pas plus, obliger les quasi-frères et sœurs de cette nouvelle fratrie à s’aimer.
Il en va de même pour les enfants à l’égard de leur beau-parent. D’autant qu’il faut avoir à l’esprit qu’une famille « recomposée » est avant tout la somme de deux familles « décomposée(s) ». Cela signifie que ces enfants ont une histoire, probablement une souffrance liée à la séparation, plus ou moins cicatrisée. Peut-être reste t’il de la colère, de la culpabilité, de la tristesse rattachée à la séparation qu’ils ont subie. L’hostilité que les beaux-enfants pourraient alors vous manifester (au moins au début de la cohabitation en tous les cas) serait donc bien normale et légitime. N’interprétez pas hâtivement cette hostilité comme une attaque personnelle mais dites-vous que les enfants préfèreraient sans doute voir leur père ou leur mère à votre place… De vous voir ici, les oblige à renoncer à leur rêve de voir un jour à nouveau leur père et leur mère réunis. Sachez que ce fantasme de recréer la famille originelle va ressortir régulièrement jusqu’à ce qu’ils soient en capacité d’en faire un jour le deuil.
Par ailleurs, il faut comprendre qu’il peut être difficile pour les enfants d’éprouver de l’affection à votre égard, tant ils peuvent être pris dans un conflit de loyauté envers le parent avec qui ils ne vivent pas ; et ceci d’autant plus si celui-ci est seul et s’il perçoit de sa part du mépris ou de la rivalité vis-à-vis du nouveau partenaire que vous représentez. Il peut alors se sentir tiraillé dans ses sentiments entre la peur de trahir son parent d’une part et le désir de nouer une vraie relation d’amour avec vous d’autre part.
Sachez aussi vous faire discret (e) à certains moments. Il est important en effet, que votre compagnon (compagne) préserve des moments d’intimité avec ses enfants, surtout s’il (elle) ne partage pas leur quotidien et qu’à l’inverse, il (elle) vit avec vos enfants, ou les enfants nés de votre nouvelle union. C’est important qu’il (elle) leur consacre des moments privilégiés en toute intimité : sorties, restaurant, où ils pourront se  retrouver et échanger entre eux. Cela aura pour effet de rassurer l’enfant sur la disponibilité de son parent et sa capacité à se partager harmonieusement entre vous et ses enfants. Cela lui permet de vérifier également que vous n’êtes pas son rival (sa rivale) et favorisera la confiance qu’il peut vous porter.

Et quand ça coince ?
Nous l’avons vu, les enfants ne sont pas toujours prêts à vous accueillir les bras ouverts…
Pour peu qu’ils soient convaincus que vous êtes à l’initiative de la séparation de leurs parents et de l’éclatement de leur famille, attendez-vous à ce qu’ils cherchent à mettre à rude épreuve, votre nouvelle relation.
Pour se rassurer quant à la solidité du nouveau couple que vous représentez, attendez-vous à des tentatives de sabordage. Des luttes de pouvoir risquent effectivement de se mettre en place. Si de plus, en tant que parent, vous ressentez de la culpabilité d’imposer à vos enfants une séparation puis un nouveau compagnon (une nouvelle compagne), attention à la tentation de prendre un peu trop systématiquement le parti des enfants pour racheter cette culpabilité…
De même que si les enfants deviennent un peu trop systématiquement la cause de vos disputes, ils risquent d’être pris en grippe par votre nouvelle compagne (nouveau compagnon).

Quoi qu’il en soit, quand les conflits se multiplient, il faut que vous puissiez parler sans tarder de ce qui ne va pas, entre adultes d’une part et avec les enfants d’autre part avant que ce climat ne dégénère au point de remettre en cause la vie commune.
Il ne faut pas perdre de vue que le parent recomposant est le pivot de la recomposition. C’est pour lui que les enfants et vous-même vivez tous sous le même toit. Il est donc le garant de la satisfaction de chacun. Se situant au carrefour des deux vies, à charge pour lui de prendre les choses en main et de jouer le rôle de tampon et de médiateur. Il est essentiel qu’il assume son rôle et soit à votre écoute mais aussi à l’écoute de ses enfants et ait à cœur de gérer les éventuels conflits. Mettre la tête dans le sable en ignorant le plus longtemps possible les problèmes ne ferait qu’envenimer la situation. Rien ne s’arrangera tout seul…

Certes vous ne trouverez peut-être pas d’emblée votre place en tant que beau-père ou belle-mère au sein de cette nouvelle famille recomposée. C’est une aventure longue et complexe qui vous attend, souvent semée d’embuches. Sachez faire preuve de patience, et vous soutenir mutuellement dans votre rôle de parent et de beau-parent devant les enfants. Respect, confiance et communication sont les clefs qui vous permettront de trouver chacun votre place et l’harmonie au sein de votre nouvelle tribu.
Ne perdez pas de vue qu’à l’origine de la famille recomposée se trouve votre couple et l’amour que vous éprouvez l’un pour l’autre. A charge pour vous de nourrir cette relation en vous préservant des moments d’intimité rien qu’à deux. Et n’oubliez pas que ce qui est rassurant et structurant pour un enfant, au sein d’une famille recomposée, c’est aussi de voir que son père, sa mère, s’épanouisse dans son rôle d’homme ou de femme.

Séances individuelles et de couple par téléphone ou visioconférence.

Articles qui peuvent vous intéresser :




Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :

  • Film : « Les enfants » - Comédie parue à l’écran en Avril 2005 – Durée 1 h 28 –Thème :
Famille Recomposée. Avec Gérard Lanvin et Karine Viard

* TOUTE UNE HISTOIRE - FRANCE 2 : "Famille recomposée, le secret pour que ça marche" - 02/03/2016

* FRANCE INTER : "Emission "Un jour en France" Lundi 6 Juin 2016 : "Quelle place pour les beaux-parents ?" - Durée : 55 mn

 La vie d’une famille recomposée n’est pas toujours drôle. Après un divorce, un remariage, il faut du temps aux enfants pour former des liens avec ce nouvel adulte qui entre dans leur vie. Jalousie, éducation, conflits autour des vacances ou de la garde alternée, la « marâtre » a parfois bien du mal à trouver sa place dans un nouveau cocon.





Comment s’établissent les liens entre la belle-mère et la fille de son partenaire ? Existe-t-il un profil-type des belles-mères ? Que recouvre ce terme de « marâtre » ? Et les beaux pères alors ? Le beau-parent a-t-il des droits sur ses beaux-enfants ?
Avec Marie-Luce Iovane, Fondatrice du Club des marâtres, et Claude Halmos , psychanalyste et auteur de "Savoir être" aux éditions Fayard.

  http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-en-france-quelle-place-pour-les-beaux-parents

  

  • Livres :
  •   
« Famille recomposée : Guide de premiers secours pour une vie harmonieuse » Agnès de Viaris – Les carnets de l’info – Septembre 2011 – 284 p – 13,90 €

« Famille recomposée, un défi à gagner » -Sylvie Cadolle – Ed° Marabout – 2006 – 221 p – 8 €

« D’abord, t’es pas ma mère ! Quelle place pour une belle-mère ? » -Marie-Claude Vallejo & Mireille Fronty – Ed° Albin Michel – Coll. « C’est la vie aussi » - 2006 – 140 p – 8 €



Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48