lundi 8 avril 2013

Education et Autorité : poser des limites, se faire obéir

Jamais l'injonction d'être de « bons parents » n'a été aussi forte qu'aujourd'hui.
Mais, c'est quoi au juste « être de bons parents » ?
Si l'on interroge les gens au hasard, autour de soi, 2 ingrédients reviennent le plus souvent : Il s'agit de :  Aimer et prendre soin  et   Éduquer.

En effet, l'amour ne peut pas tout.  Le rôle des parents est aussi d'éduquer.
Et selon Caroline Eliachef – pédopsychiatre et psychanalyste-,  « Éduquer un enfant, c'est lui permettre de se confronter aux frustrations pour les surmonter, aux interdictions pour apprendre à les respecter au risque d'être puni pour savoir jusqu'où aller ».


Difficile alors de parler d'éducation sans parler d'autorité !

Autorité, pas toujours facile à appliquer. En témoignent les nombreux  livres de conseils aux parents en matière d'éducation qui occupent-des rayons entiers dans nos bibliothèques. Sans parler des émissions télévisées ou des sites internet «prêcheurs de bonnes paroles ». « Super Nanny » et autres guérisseurs ou mères fouettardes cathodiques surfent sur la  vague.

Il faut bien se rendre à l'évidence, : faire preuve d'autorité n'est pas toujours simple. Eut égard, bien souvent, à leur propre éducation, beaucoup de parents craignent de se montrer trop répressifs avec leurs propres enfants. De plus, on perçoit aujourd'hui, les méfaits de l'éducation autoritaire d'autrefois. Basée principalement sur l'interdit et la menace (menace et sanction physique : la claque, la fessée, la dérouillée, appelons cela comme on veut...et la menace et sanction verbale se manifestant par la honte et l'humiliation).
S'il ne serait venu à l'idée d'aucun enfant, autrefois, de remettre en question un ordre émanant d'un adulte, on constate cependant,  que ces méthodes engendraient bien souvent des enfants inhibés voire névrosés. D'où le souhait de certains parents de prendre aujourd'hui,  le contre-pied de l'éducation qu'ils ont reçue.

Et puis il ne faut pas oublier que Mai 68 est passé par là !
 Les valeurs dites rétrogrades ont été envoyées blackboulées au profit d'autres comportements prétendument plus modernes. Le rapport entre le lien social et l'individu s'est inversé. La valeur fondamentale est devenue la réalisation de soi, soutenue par l'idée (l'illusion?) de la liberté et de l'autonomie. « Il est interdit d'interdire ». On pensait à cette époque que l'épanouissement allait de pair avec l'absence de contraintes. (Jusqu'à ce qu'on s’aperçoive que c'est justement parce que les interdictions et les limites sont intégrées qu'on devient libre).
Comment faire dans cet état d'esprit pour guider, éduquer, sans poser d'interdits ? Pas facile d'inventer un nouveau mode d'éducation !
Fin des années 70, c'est Françoise DOLTO qui interpellait les parents  pour défendre la cause des enfants. « L'enfant n'est pas  un petit animal domestique qui doit être dressé mais une personne, un être de langage, de désir et d'intelligence ».
L'enseignement de F. DOLTO est parfois remis en question aujourd'hui, ou en tous les cas, l'interprétation que certains en font, en terme d'éducation laxiste, centrée sur le seul désir des enfants. Pour eux, la « psychologisation » de l'éducation est allée trop loin. Ses défenseurs soutiennent cependant que F. DOLTO dont la philosophie du respect de l'enfant est essentielle pour des générations qui ont été éduquées dans la brimade et le silence, n'a jamais prôné l'effacement de l'autorité parentale, bien au contraire. Si la place de l'enfant est au centre de la famille, il ne doit pas pour autant occuper le centre tout entier de la vie de famille. Attention en effet, à ne pas en faire des êtres au narcissisme illimité dont l'Ego hypertrophié ne se soucierait plus guère de l'Autre. De l'enfant gâté à l'enfant-roi et de l'enfant-roi à l'enfant-tyran, il n'y a qu'un pas.

On le voit, les principes éducatifs ont été pas mal chamboulés ces dernières décennies. Dans cet épais brouillard, ne sachant parfois plus trop comment se situer entre éducation et soumission, entre autorité et autoritarisme, craignant d'en faire trop ou trop peu, les parents d'aujourd'hui n'ont jamais été aussi déboussolés et désemparés et sont eux aussi en quête de repères. Il n'existe plus aujourd'hui, de consensus général sur la manière d'éduquer, c'est le moins qu'on puisse dire...

Tous les grands pédagogues actuels s'accordent cependant, sur le fait que l'autorité est indispensable à la construction de l'enfant. Chaque parent  devrait donc pouvoir être convaincu de sa légitimité et l'appliquer sans culpabilité. Pour autant, dans une société qui prône l'épanouissement de l'enfant, les parents se sentent de moins en moins légitimes à poser des limites.

Que craignent-ils au juste ?

- Ceux qui ont eux-même subi une éducation trop rigide, qui n'ont jamais eu eux-mêmes la possibilité de s'opposer à leur père ou mère, règlent  à travers leurs enfants, leurs comptes avec leurs propres parents. Ils refusent par principe, toute position d'autorité. Mais parfois, c'est le fait de parents qui ont eux-mêmes été trop gâtés et qui reproduisent alors par projection, l'éducation qu'ils ont reçue.
- D'autres rêvent de maintenir un état de bonheur absolu avec leurs enfants, où le conflit n'existerait pas. C'est le fantasme de « la petite maison dans la prairie » où tout se déroule dans le calme, sans heurt, et où tous les enfants obéissent sans avoir à élever la voix. Certains parents imaginent qu'il suffit d'expliquer pour se faire obéir. C'est oublier que le petit enfant est dominé par ses pulsions, le principe de plaisir et la toute-puissance. Il grandit en se frottant aux limites. Et cette opposition structurante pour lui, se fait rarement sans bruit... Il est donc important que les parents apprennent à s'affirmer, sans quoi l'enfant va s'immiscer dans toutes leurs faiblesses. Un enfant qui sent que ses parents craignent ses réactions prend le pouvoir.
De même qu'attendre d'être complètement débordé par ses émotions et crier ou punir quand vraiment on n'en peut plus, renvoie à de la faiblesse. L'exigence relève d'une décision d'autorité et non d'une émotion. C'est tout le contraire d'une perte de contrôle. C'est le fruit d'une réflexion posée et exempte de colère.
- Ils ont peur de décevoir leur enfant et de perdre leur amour en s'opposant à eux. Ils craignent qu'en osant dire Non, ils soient rejetés par leur enfant. Or, les parents qui « craquent » en abdiquant ou en faisant des cadeaux (par ex. juste après avoir puni parce qu'ils sont dans la culpabilité) donnent à leur enfant, une image faible d'eux-mêmes ; alors que ceux qui tiennent leur position renvoient une image forte.
La frustration et l'enseignement du manque sont nécessaires à l'enfant pour qu'il ne devienne pas égocentrique et que les parents ne deviennent pas « otage » de leurs enfants. Par ailleurs, s'il est trop gâté, cela ne laisse plus de place à l'Envie.
Dire Non est donc un élément indispensable pour leur construction. C'est ce qui leur permet de se positionner par rapport à l'Adulte. Au contraire, dire toujours Oui, sèmerait la confusion. L'enfant sans limite est toujours angoissé car il ne rencontre aucun barrage pour le protéger de lui-même et de l'Extérieur. Livré à ses pulsions et son seul désir, il ne peut être heureux.
- Pour ne pas se positionner en tant que Parents qui imposent, certains s'évertuent à vouloir plaire à l'enfant et usent de la Séduction pour obtenir d'eux l'obéissance. Or, sous prétexte de respecter l'enfant, on ne peut pas remplacer l'autorité par la séduction. Il ne faut pas tout mélanger, séduire n'est pas éduquer.
- Parfois encore, les parents craignent d'étouffer la personnalité de l'enfant, sa créativité, en le contraignant. Ils confondent « autorité » et « dressage ».
Poser des limites ne signifie pas soumettre l'enfant au pouvoir arbitraire de l'adulte mais suppose de s'adresser à lui avec écoute et respect. Il ne s'agit pas de soumettre l'enfant à l'adulte mais à la règle.
- On aime rarement être amené à devoir sanctionner et punir lorsque la règle a été enfreinte. Mais il ne faut pas oublier que l'objectif de l'éducation est d'apprendre l'interdit. Or, comment faire appliquer une règle si en cas de transgression il n'y a aucune sanction à la clé, sans décrédibiliser les parents ? Sans compter qu'il est dangereux pour l'enfant et la société de lui laisser croire qu'on peut mal agir dans la vie en toute impunité. Ce n'est pas le confronter à la réalité.

Quelques règles et principes de base à suivre pour appliquer l'autorité

- Exprimer clairement ses attentes. Au besoin, écrire clairement les limites sous forme d'un contrat. Expliquer un interdit n'empêche pas de l'imposer. Le célèbre pédiatre "Aldo Naouri vous dirait qu'il n'est pas nécessaire pour autant, de commenter tous les ordres donnés à l'enfant. Et quoi qu'il en soit, expliquer n'est ni s'excuser, ni se justifier.
Lorsque le contrat est clair pour chacun, les règles deviennent indiscutables. L'enfant doit savoir ce qu'il risque en cas de transgression.
- Imaginer en parallèle, un tableau des permissions.
L'enfant comprend ainsi qu'il n'est pas soumis qu'à des contraintes mais qu'il y a aussi des choses autorisées. Cela lui permet de mieux accepter les interdits. De même, il est important de bien valoriser aussi ses actes et comportements positifs.
- Lui laisser un délai.
Ne l'appelez pas, par exemple, trente seconde avant de passer à table. Laissez-lui le temps de finir ce qu'il a entrepris et se préparer à passer à une autre activité.
- Adopter un ton ferme et calme.
L'enfant a besoin d'ordres précis, constants et fermes. L'autorité est une posture, non pas une humeur passagère. Efforcez-vous, autant que faire se peut, à faire bloc avec votre conjoint.
- S'efforcer à formuler positivement les injonctions
Exprimer à l'enfant ce qu'il doit faire plutôt que lui dire constamment ce qu'il ne doit pas faire.
- Ne pas jouer sur l'affectif et la séduction
N'ayez pas recours au chantage et sortez du classique « fais-moi plaisir ». L'enfant pourrait finir par croire que la fonction des règles c'est de faire plaisir aux parents. Or, obéir n'a aucune conséquence sur l'amour que les parents vont porter à l'enfant. Cela pourrait même semer la confusion dans son esprit.
- Tenir bon
Les parents doivent être cohérents dans leur autorité. Une limite qui varie trop perd de son sens.
Par ailleurs, dès lors que l'on pose des limites, le conflit est quasi-inévitable. Rappelez-vous que l'enfant est dans le principe de plaisir. Il va donc constamment vous tester et chercher à repousser les limites. C'est normal qu'il insiste et cherche à obtenir votre consentement par l'usure. A vous de ne pas vous montrer ambivalent et ne pas revenir en arrière sur ce qui a été énoncé.
- Et enfin si malgré tout, les règles n'ont pas été respectées, si l'enfant a désobéi...
Sans sanction, la règle est vidée de son sens, il est donc important de marquer le coup.
La sanction est utile car elle donne un fondement aux règles.
Essayer dans la mesure du possible de faire en sorte que la sanction ait un rapport direct avec la règle qui a été enfreinte afin de l'aider à mieux imprégner cette règle.
N'oubliez pas que la sanction doit être proportionnelle à l'acte. Ce qui importe, c'est la valeur symbolique de la punition. La  « bonne » sanction est celle que vous trouverez légitime et juste et surtout que vous pourrez soutenir. Inutile en effet de faire des menaces dont vous savez pertinemment que vous ne les mettrez pas à exécution...
La sanction a aussi une vertu réparatrice en ce sens qu'elle solde la culpabilité de l'enfant.
L'objectif reste cependant de manier la punition avec parcimonie si l'on veut qu'elle garde tout son sens. Si on est obligé d'y avoir recours continuellement, il convient plutôt de s'interroger sur le sens de la transgression systématique. Le risque serait de rentrer dans une sorte de surenchère...


On l'a compris, les enfants ont besoin de repères et de limites pour grandir en toute sécurité. Des ordres précis, constants et fermes l'aident à se structurer. Ces limites doivent cependant être évolutives en fonction de l'âge et du contexte (ex. l'heure du coucher peut varier selon que l'enfant a 3 ans ou 14 ans et qu'il y a école ou non le lendemain). A nous parents d'appliquer l'autorité avec bon sens et en bonne intelligence.

Il est important de se souvenir que dans une société démocratique, chaque droit est associé à un devoir. Toute société est construite autour de repères, de limites et d'interdits. Si l'on veut que nos enfants puissent se socialiser sans trop de mal, il nous appartient  de faire en sorte qu'ils soient confrontés dans leur environnement familial, aux repères, limites et interdits. Notre priorité, « faire le bonheur de nos enfants », ne doit pas seulement s'appliquer à Ici et maintenant, mais aussi à Plus tard.
N'oublions pas que nos enfants sont les citoyens de demain. Éduquer, étymologiquement ex-ducere signifie « Conduire » ou « Guider » hors de . Il est donc de notre responsabilité de conduire, accompagner nos enfants sur le chemin de cette société pour qu'ils y soient le mieux intégrés et le plus heureux possibles. En cela, l'autorité est un véritable acte d'amour.


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Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :

« Parents, osez vous faire obéir » - Stéphane Clerget et Bernadette Costa-Pradès – Ed. Albin-Michel 2007 - 109 pages – 7,60 E

« Pourquoi l'amour ne suffit pas : Aider l'enfant à se construire » - Claude Halmos – Ed. Nil – 2006 – 18 E  (6,80 en format Poche)

« L'autorité expliquée aux parents » - Claude Halmos – Ed. Nil – 2008 – 13 E   (6,60 E en format Poche)

« Parents, osez dire Non » - Patrick Delaroche – Ed. Albin-Michel – 2007 – 13,40 E  (5,30 E en format Poche)

« Il n'y a pas de parent parfait » - Isabelle Filliozat - Ed. JC Lattès - 2008 - 306 p - 18 E  (6 E en format poche)

«Il est permis d'obéir, l'obéissance n'est pas la soumission» - Daniel Marcelli -  Albin Michel - 2009 - 264 p - 17 E

Site internet :  "Rôle des parents, où est le mode d'emploi ?"

https://www.planetesante.ch/Magazine/Bebes-enfants-et-adolescents/Etre-parent/Role-des-parents-ou-est-le-mode-d-emploi



Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48