De plus en
plus de spécialistes de l’Enfance tirent la sonnette d’alarme. Bien que ce
phénomène ne soit pas nouveau, les cabinets de psychologues ne cessent
d’accueillir des enfants toujours plus jeunes, en état de stress excessif et au
bord de l’épuisement.
On a coutume
de parler de burnout professionnel ou du burnout des jeunes parents, beaucoup
moins, de l’état de surmenage des enfants. Et pourtant, chaque année, de
nombreux écoliers sont victimes d’un grave état d’épuisement physique ou
psychologique.
Pour définir
le burnout chez l’enfant, nous pourrions dire qu’il s’agit d’un excès de stress
sur une période trop longue, suite à une pression trop forte. Comme le souligne
leProfesseur Stéphan Eliez, pédopsychiatre et directeur de l’Office
médico-pédagogique du canton de Genève : « Le burnout chez l’enfant
survient lors d’un épuisement, un effondrement dépressif. Il vit une surcharge
excessive qui n’est pas proportionnelle à sa capacité d’y répondre ».
En cause,
l’exigence de performance, tant du point de vue des enseignants que des parents
eux-mêmes. Les enfants se trouvent face à une
multiplicité des attentes, la première étant de réussir leur métier
d’enfant qui consiste à réussir brillamment à l’école. Les exigences scolaires
sont de plus en plus importantes : présence et attention en classe entre
35 h et 40 heures par semaine, angoisse de l’appréciation, du contrôle,
sanction de la note. Le soir ou le week-end, ce n’est pas terminé. Aux devoirs
à la maison s’ajoutent les souvent trop-nombreuses activités
extra-scolaires : sport, langues étrangères, musique et autre. L’enfant se
doit d’être performant sur tous les plans. Pas de temps mort, il se voit obligé
de planifier et optimiser son temps dans un souci d’efficacité, tout comme un
adulte.
Outre
l’hyperstimulation à laquelle ils se trouvent confrontés, l’attitude des
parents renforce aussi parfois cette pression, à travers la comparaison
permanente par exemple. Il n’est pas rare que l’enfant soit encouragé à entrer
en compétition non seulement pour se dépasser lui-même mais aussi pour dépasser
ses camarades. Certains établissements scolaires participent à cette course
effrénée aux résultats en instituant des classements, mettant en œuvre des standards
de réussite très élevés.
Devant cette
course, certains enfants devront multiplier les efforts pour se maintenir dans
la moyenne ; tandis que pour d’autres qui ont plus de facilités, on aura
tendance à renforcer encore un peu plus le
niveau d’exigence. Bilan des courses : face à ces attentes trop lourdes à
gérer, les enfants ne sont plus dans le plaisir d’apprendre. Seul compte la
nécessité de faire plaisir à leurs parents…
Loin d’être
malintentionnés, en multipliant les activités extra-scolaires, les parents
pensent agir pour le bien de leurs enfants. En leur donnant ce qu’ils estiment
être, toutes les chances de réussir, c’est un peu comme s’ils se prémunissaient contre l’angoisse de l’avenir
dans une société où il n’est question que de crise économique et de chômage.
Craignant que leur enfant ne soit un jour confronté à la précarité, ils leurs
transmettent leurs propres angoisses en voulant faire d’eux, des graines de
champions. Ces injonctions de réussite trouvent aussi parfois un écho dans le
propre sentiment de réussite (ou non…) des parents. L’enfant peut être sommé de
réussir par procuration là où eux, estiment ne pas avoir réussi…sans compter
qu’à travers la capacité de réussite des enfants, c’est un peu le sentiment de
« compétence » dans notre rôle de parent qui se trouve évalué.
Attention, quand l’enfant n’est plus qu’un « faire-valoir » et n’est
plus regardé que comme un « objet de réussite », on n’est pas loin de
la maltraitance…
Comment se
manifeste cet excès de stress ? Sur le plan physique ce malaise peut
s’exprimer par des troubles du sommeil, de l’alimentation, des maladies à
répétition : maux de tête, maux de ventre difficilement explicables. Les enfants
peuvent éprouver une véritable lassitude sur le plan physique et un un état
d’épuisement sur le plan intellectuel. Une tristesse permanente, un changement
de comportement (irritabilité…) doit vous alerter. L’enfant désinvestit peu à
peu ses activités, il est envahi par un sentiment d’échec permanent tant les
objectifs lui semblent de plus en plus inatteignables. Certains enfants vont
jusqu’à faire de véritables crises d’angoisses allant dans les cas extrêmes jusqu’à
la crise de panique au moment de se rendre à l’école.
"Quand les exigences sont trop lourdes, vient un temps où l'enfant a l'impression de ne pas suffire à la tâche et de mal faire. Alors il s'écroule. Le plus sainement du monde il répond à la pression par la dépression parce qu'il ne peut pas nommer ce qui se passe en lui." (Guy Corneau - Psychanalyste). L'enfant, naturellement joueur et inventif se trouve sacrifié sur l'autel du perfectionnisme.
"Quand les exigences sont trop lourdes, vient un temps où l'enfant a l'impression de ne pas suffire à la tâche et de mal faire. Alors il s'écroule. Le plus sainement du monde il répond à la pression par la dépression parce qu'il ne peut pas nommer ce qui se passe en lui." (Guy Corneau - Psychanalyste). L'enfant, naturellement joueur et inventif se trouve sacrifié sur l'autel du perfectionnisme.
Cette
pression permanente est donc complètement contre-productive puisque le stress
ambiant épuise le mécanisme intellectuel des enfants. Plus l’objectif à
atteindre semble être hors de sa portée, moins l’enfant se sent capable, plus
il se déprécie, plus sa vitalité se brise. Ce qui aura pour effet de renforcer davantage encore la
pression qu’il va se mettre lui-même pour y parvenir. Il rentre dans un état
d’hyper-contrôle, augmente encore le perfectionnisme pour tenter de répondre à l’injonction
de réussite toujours plus stressante. Cette course effrénée n’encourage pas
leur estime personnelle ou leur confiance en eux ; encore moins le
développement de leur personnalité car cela leur renvoie le sentiment de ne
jamais être à la hauteur.
Comment
remédier à cela ?
La première
chose à faire est certainement de reconsidérer l’emploi du temps de votre
enfant.Réapprenez-lui à se détendre. Laissez-lui le temps de souffler, de
rêvasser, voire de s’ennuyer…
Par
ailleurs, il faut absolument sortir de cette exigence de réussite. Cessez toute
forme de pression, notamment face aux résultats scolaires. Laissez votre enfant
apprendre au rythme qui est le sien et pour cela, cessez d’être dans la
comparaison permanente. S’il ne réussit pas cette fois-ci, il réussira la fois
d’après. Redonnez-lui confiance en lui en le rassurant sur ses capacités, en
encourageant ses efforts et ses réussites, plutôt que de blâmer ses échecs.
Attention,
l’enfant n’est pas toujours en mesure d’exprimer le stress ou la pression qu’il
ressent. Si des signes préoccupants vous alertent quant à son état
d’épuisement, n’hésitez pas à consulter avec lui, un professionnel compétent
pour prendre en charge sa souffrance.
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Et pour
aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :
Site internet :
https://www.planetesante.ch/Magazine/Bebes-enfants-et-adolescents/Etre-parent/Nos-enfants-sont-ils-surmenes
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- « Papa, Maman, laissez-moi le temps de rêver » - Etty Buzyn – Albin Michel – 1995 – 185 p –13 €
- « Ces enfants malades du stress » - Gisèle George – Format Poche – 2005 – 150 p – 5,74
- « Toujours mieux, psychologie du perfectionnisme » - Frédéric Fanget – Odile Jacob – 2006–223 p – 21,90 €
- « Le burnout des enfants : comment éviter qu’ils ne craquent ? » - Béatrice Millêtre – Ed° Payot – A paraître en 03/2016 – 16 €
Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48