vendredi 7 juin 2019

Etre Grands-parents


« Nous sommes tous des grands-parents imaginaires, avant de devenir des grands-parents réels. Nos petits-enfants existent dans nos têtes avant d’être présents dans nos vies. Tout comme le désir d’enfant, le désir de petit-enfant est précédé d’une période de maturation mais il finit un jour par s’imposer dans notre pensée. » Marcel Ruffo – Pédopsychiatre.



Même si sa structure a considérablement évolué ces dernières décennies, la famille demeure le socle essentiel sur lequel est fondée notre société. Les modèles familiaux changent et se recomposent au gré des générations : familles traditionnelles, monoparentales, homoparentales, recomposées, etc. Pour autant, de tous temps et en tous lieux, les parents des parents occupent une place singulière dans la famille et dans le cœur de leurs petits-enfants.
Mais, à quoi peuvent bien ressembler, les grands-parents du XXIè siècle ? Exit le cliché de la bonne grand-mère qui vit dans la maison de ses enfants, sent bon la violette et tricote ou prépare des confitures quand elle ne raconte pas à ses petits-enfants des histoires du bon vieux temps !

Aujourd’hui, les grands-parents portent des jeans, pratiquent de multiples activités, font du sport, voyagent aux quatre coins du monde… ils écoutent Queen, Pink-Floyd ( ;-)). Ils sont amoureux, hyper-connectés et pour beaucoup, travaillent encore et (ou) ont des agendas surbookés ! Il n’y a qu’à observer le nombre croissant d’organismes et de sites web dédiés aux séniors pour voir à quel point les nouveaux grands-parents sont hyperactifs !
Selon les dernières statistiques de l’INSEE parues en 2011, qui a recensé un peu plus  de 15 millions de grands-parents (8,9 millions de Grands-mères et 6,2 millions de Grands-pères), on devient grand-parent plus tard qu’avant. Mais du fait de l’allongement de l’espérance de vie et surtout, des meilleures conditions de vie, on a plus de chances de connaitre nos petits-enfants. En effet, selon Claudine Attias-Donfut, Sociologue et Directrice de Recherche à la Caisse Nationale, d’Assurance Vieillesse, « Autrefois, seuls les petits-enfants de classes sociales favorisées avaient la chance de connaitre leurs grands-parents. Les ouvriers et paysans mourant plus jeunes, ils côtoyaient peu de temps leurs petits-enfants ».

Aujourd’hui, l’âge moyen de la Grand-Mère à la naissance du premier petit-enfant est de 54 ans et 56 ans pour le grand-père. Ainsi, du fait de l’accroissement de la durée de vie, c’est parfois trois, voire quatre générations qui peuvent coexister. La structure familiale ayant évolué, à l’époque de nos grands-parents on comptait généralement deux ou trois grands-parents vivants pour quatorze petits-enfants. Aujourd’hui, c’est quatre, six, voire huit grands-parents dans les cas de familles recomposées, pour trois ou quatre petits-enfants…
Cependant, même si le profil des grands-parents a évolué, une constante demeure : La plupart d’entre eux continuent à être très investis dans leur vie de famille et notamment auprès de leurs petits-enfants.

Quelle place occupent-ils et quel est leur rôle ?

Etre Grands-parents offre une formidable occasion de tisser des liens privilégiés avec ses petits-enfants. Ce lien est essentiel et fondamental. Il faut donc essayer de le maintenir, quelques soient les difficultés rencontrées. Et cette bonne relation n’est possible qu’à une seule condition : que les parents l’encouragent. Ce sont les enfants (devenus parents) qui vont aider les grands-parents à définir leur place en fonction de leurs attentes. Pour cela, il peut être intéressant d’engager un vrai dialogue entre parents et grands-parents afin de définir quels sont les attentes, désirs et limites de chacun. Dans la réalité quotidienne, les grands-parents ont pour vocation principale de soulager les parents en leur apportant leur aide, notamment au travers de la garde de leurs petits-enfants. Attention toutefois à ce que les grands-parents aient une vraie place auprès de leurs petits-enfants et ne soient pas considérés par leurs parents que comme subsidiaires ou rôles de second choix. Ils ne sont pas là, que pour combler les vides laissés par les parents. Il s’agit d’instaurer une vraie relation de partage et non seulement une « mise à disposition ». En d’autres termes, on peut confier les enfants juste « pour le plaisir » de partager de précieux moments ensemble et nourrir cette relation si singulière et pas uniquement « par besoin » de les faire garder…

Parents et Grands-parents : une partition différente à jouer : la mission essentielle des parents reste l’éducation. Fixer des limites, donner des repères fait partie de leur rôle principal. Cela passe souvent, au quotidien par la nécessité de répéter, menacer, sanctionner… Cette place peut leur sembler à certains moments peu gratifiante, surtout au regard de celle occupée par les grands-parents qui partagent essentiellement avec leurs petits-enfants, les moments privilégiés : plus de temps, moins de stress, plus de loisirs, peu ou pas d’obligations… Cela ne signifie pas que chez les grands-parents, il n’y a pas de règles… Mais s’il y a des lois qui valent partout : politesse, respect, etc. (C’est important pour cela, de s’entendre sur les limites importantes) d’autres s’appliquent uniquement selon que l’on se trouve chez les uns ou les autres.
Cette relation privilégiée nouée entre les enfants et leurs grands-parents peuvent parfois être jalousées par les parents et engendrer de la rivalité. Si c’est le cas, il y a urgence à prendre conscience de cette rivalité, l’accepter pour mieux la transformer en désamorçant la compétition. Forts de leur expérience personnelle, les grands-parents peuvent avoir envie d’en faire profiter les parents. A cela, rien d’anormal à condition de dispenser leurs conseils  avec parcimonie et en dehors de la présence des petits-enfants de manière pour eux, à ne recevoir aucun message éducatif incohérent, les poussant à remettre en cause le discours parental. Si les parents ont le sentiment que les grands-parents sortent de leur place, à charge pour eux de clarifier les rôles et de recadrer les aïeuls envahissants. Etre un « bon grand-père » ou une « bonne grand-mère » c’est renoncer à la toute-puissance paternelle ou maternelle.
Les enfants portent en eux, les traces plus ou moins fragiles de leur propre enfance. Il arrive parfois qu’ils nous fassent remarquer que l’on a une écoute différente ou que l’on consacre plus de temps à nos petits-enfants qu’on leur en a consacré à eux-mêmes lorsqu’ils étaient enfants. Tous les manques ou les ratés de leur propre enfance resurgissent alors. Il est vrai que certains grands-parents peuvent se sentir plus à l’aise avec leurs petits-enfants qu’ils ne l’ont été avec leurs propres enfants. Comme le dirait alors Marcel Ruffo, « En cela, être grand-parent offre une seconde chance de parentalité ».
En ayant conscience de ce qui se joue ou de ce que l’on rejoue de sa propre partition et en refusant la compétition, les parents font le choix de la complémentarité en faisant le pari de faire de ces nouveaux rivaux des alliés. Ainsi, cette nouvelle complicité entre les générations de parents pourra être mise au service des petits-enfants.

Qu’ils se rassurent, les grands-parents ont un rôle unique et fondamental à jouer dans le sens où ils peuvent offrir à l’enfant, un accueil différent. C’est un moment hors du temps, où l’enfant peut se poser, vivre à un rythme différent de celui qu’il partage avec ses parents. C’est parfois un havre de paix, une présence rassurante au milieu du tumulte et de la course quotidienne. Les grands-parents font tout plus lentement. Ils ont généralement un rythme de vie moins stressé car ils ne sont pas soumis aux mêmes obligations. Ils peuvent être des confidents pour les petits-enfants en leur offrant une écoute bienveillante, particulièrement à certains moments de la vie où il peut être plus difficile pour eux, de se confier à leurs parents (dans la limite du respect des règles parentales). C’est l’occasion aussi pour les grands-parents, de transmettre leurs passions : musique, jardinage, couture, etc.
Mais être grands-parents, c’est aussi transmettre l’histoire familiale. Piliers essentiels entre les différentes générations, ils transmettent à leurs petits-enfants, des savoirs qui ne s’apprennent pas à l’école. Découvrir son histoire familiale et ses racines permet à l’enfant de s’inscrire dans une lignée et d’ainsi mieux appréhender sa place au sein d’un ensemble et de se construire en tant qu’individu. En cela, donner à son enfant en 2è et 3è prénom, le prénom de ses grands-pères ou grands-mères, retentit en lui comme une appartenance. Cela permet à l’enfant d’inscrire sa filiation par le prénom, dans l’arbre de vie.
Passeurs d’histoire, les grands-parents peuvent aussi raconter à leurs petits-enfants comment était la vie quand ils étaient eux-mêmes enfants, comment étaient leurs parents quand ils étaient petits, livrer au passage, quelques anecdotes croustillantes, mais aussi montrer des photos, partager des recettes qui se transmettent de générations en générations ; tout ce qui fait que cette famille est unique et ne ressemble à aucune autre.
Cette relation particulière constitue pour les petits-enfants, un précieux repère affectif. Un lien indéfectible et irremplaçable lie désormais à tout jamais les petits-enfants à leurs grands-parents.
Marcel Ruffo a introduit cet article, je lui laisserai donc le mot de la fin.

« Avoir un petit-enfant, c’est revisiter sa propre enfance. On s’émeut de découvertes faites il y a bien longtemps que l’on pensait complètement révolues mais que l’on redécouvre grâce à lui. Etre grand-parent, c’est peut-être avoir une 2è chance d’être un enfant… »

Je veux bien retomber un petit peu en enfance moi aussi !

Alors Bienvenu(e) à mon 1er petit-fils ou à ma 1ère petite-fille qui va prochainement m’introniser dans ce statut de grand-mère (sûrement un peu gâteuse à défaut d’être gâteau) pour la première fois ! Vive l’aventure !


Pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :

  •      « Grands-Parents, le maillon fort » - Béatrice Copper-Royer et Marie Guyot - Albin Michel, 2018 – 192 p – 14,90 €
  •        « Parents et Grands-parents, rivaux ou alliés ? » - Vittoria Cesari Lusso – Favre Pierre-Marcel – 2016 – 351 p – 23 €
  •     « Grands-parents, à vous de jouer » - Marcel Ruffo -  2014 - 224 p – Broché 17 € (disponible au format Poche à 6,60 €)
  •        « Si tu dis non, je vais chez Mamie » - Anne-Solenn Le Bihan – Larousse – 2011 – 224 p – 11 €