mardi 2 avril 2019

Adolescents, sexualité et réseaux sociaux

Les situations d’expositions sexuelles des jeunes sur les réseaux sociaux ont tendance à s’accroitre. Ce qui est alarmant, c’est que ces pratiques concernent une population de plus en plus jeune, parfois même des collégiens.
On peut s’interroger sur ce qui motive ces jeunes à diffuser des photos à caractère sexuel, voire de filmer leurs ébats, tournages que l’on appelle aussi « les sex tapes ».
La prolifération de contenus sexuellement explicites sur internet fait que certains jeunes sont parfois en perte de repères et ne sont plus capables de faire la distinction entre ce qu’il est acceptable de faire ou pas. Chaque jeune étant aujourd’hui, doté d’un Smartphone, cela rend le passage à l’acte sexuel filmé, facile. 
Aujourd’hui, on filme tout ce qu’on voit et tout ce qu’on fait. La mode étant aux selfies et à la surexposition sur les réseaux sociaux, ces derniers exacerbent ce genre de phénomènes dans la mesure où les jeunes voient ça comme une sorte de défi (c’est parfois des paris stupides) de dévoiler le fruit de leurs ébats. Le sextape est au départ, une vidéo intime destinée à un usage privé. Partant de là, peut-on considérer que les deux protagonistes sont consentants ? Oui et non. En réalité, dans les faits, bien qu’il n’y ait pas de contrainte physique, il peut y avoir une forme de contrainte quand-même. Et l’on s’aperçoit que la plupart du temps, la jeune fille subit cette situation, parfois sous la pression de son partenaire. Elle n’a pas conscience en tous cas, au moment des faits, à quel point cela peut impacter son image et n’en mesure pas la gravité. Car, une fois dans la boîte, il y a parfois, malheureusement, des épilogues dramatiques pour les victimes. Ces sextapes peuvent effectivement devenir de terribles armes de vengeance, pour punir son ex, au moment d’une rupture. La victime se retrouve alors, exposée sans consentement, sur le net. L’intention est clairement d’humilier et de blesser. On parle alors de Revenge- porn, littéralement « Revanche pornographique » ; Pour la personne qui le subit (l’écrasante majorité étant des femmes (90 %)), il s’agit d’un viol d’une intimité dévoilée sans consentement. On peut même considérer cela comme un véritable viol numérique.  Cette pratique est parfois assortie de chantage en vue d’obtenir un acte sexuel ou l’extorsion de fonds. Les conséquences peuvent être dramatiques pour les personnes qui le subissent. C’est une attaque narcissique grave qui peut engendrer un véritable traumatisme. Ces violences virtuelles retentissent sur l’estime de soi (honte, dégoût, culpabilité) et entrainent bien souvent un isolement social qui se traduit par un décrochage scolaire le cas échéant et un absentéisme conséquent. Les jugements se propagent comme une trainée de poudre et les jeunes filles ne peuvent plus endurer de s’exposer au regard de leurs camarades. La souffrance émotionnelle peut même conduire jusqu’à la manifestation de troubles psychosomatiques, voire de l’automutilation et dans les cas les plus graves, conduire jusqu’au suicide.


Le Revenge Porn est pourtant un délit sévèrement sanctionné par la Code Pénal. Mais par méconnaissance ou par honte, bien souvent les victimes ne déposent pas plainte. D’autant que si elles étaient consentantes au moment de la prise des images, cela peut rendre à leurs yeux, leur démarche moins légitime. Il faut dire qu’avant le 7 octobre 2016, la loi sur la diffusion de contenus à caractère sexuel ne s’appliquait qu’aux personnes non consentantes au moment des faits. C’était malheureusement insuffisant pour sanctionner le Revenge Porn.
L’article 67 de la loi du 7 octobre 2016 a donc introduit un nouvel article 226-2-1 dans le code pénal, « la loi pour une République numérique ». A présent, est punissable, toute personne diffusant des paroles, photos ou vidéos à caractère sexuel, même si, au moment des faits, ceux-ci ont été obtenus avec le consentement exprès ou présumé de la personne concernée mais diffusée sans son accord et dans l’intention de lui nuire.
Par ailleurs, la loi impose aux hébergeurs de concourir à la lutte contre les infractions les plus graves en mettant en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance les données portant sur un contenu sexuellement explicite non autorisé. Si vous vous retrouvez confronté à de telles pratiques, il faut donc opérer immédiatement un signalement. Après avoir porté à la connaissance de l’hébergeur, l’existence de ces contenus illicites, vous êtes en droit d’en exiger le retrait, après avoir fait établir en urgence, un PV de constat par un huissier pour permettre de poursuivre le responsable des divulgations par la suite.
Le cyber harcèlement est un délit. Le Revenge-Porn ou vengeance pornographique y compris par selfie, est désormais un délit sévèrement sanctionné. L’auteur de tels faits s’expose en effet, à une peine de 2 ans d’emprisonnement et 60 000 € d’amende.
Mais comment éviter ce genre de dérapages sexuels ?

Ne nous illusionnons pas, interdire l’accès à internet à de jeunes ados est tout simplement impossible. La solution la plus efficace reste donc la prévention, et cela, dès l’âge primaire. Il est important de communiquer dès le plus jeune âge, en effet, sur les notions d’intimité, de consentement et de droit à l’image, trois thématiques au cœur de ce problème. Cette sensibilisation doit se faire dans les établissements scolaires. Mais il est aussi important, en tant que parents, d’engager le dialogue avec nos enfants, garçons et filles afin de les alerter sur ces sujets.
Aux adolescents, il est nécessaire de les mettre en garde sur le fait que leur écran n’est pas leur sphère privée. Et leur rappeler que tout ce qu’il ne leur viendrait pas à l’esprit de faire en public et en plein jour, il est prudent de ne pas le faire devant un appareil photo ou une caméra.

Si malgré ça, la situation a dérapé, et que votre enfant se trouve confronté à la diffusion de ce genre d’images sans son consentement, évitez de vous montrer trop moralisateur (de toute façon le mal est fait…et il y a toutes les chances qu’elle en tire elle-même les leçons). Recentrez-vous sur le fait que votre enfant est victime d’une agression. Encouragez-la à porter plainte et accompagnez-là, le cas échéant:
  • Au commissariat de Police ou devant le Procureur.
  • Et ensuite, devant un Juge d’Instruction, si le diffuseur de ces images est inconnu ; ou directement devant le Tribunal Correctionnel, s’il est connu.

Et pour ne pas en arriver là, on ne peut que conseiller de ne pas se laisser photographier ou filmer à visage découvert dans des situations érotiques…


Articles qui peuvent vous intéresser :



 Retour à la liste de tous les articles par thème



Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
06 14 76 05 48
cattaneo.patricia@gmail.com