Quel impact
les images pornographiques ont-elles sur le développement de la sexualité de
nos enfants ?
Un tiers des enfants de 10 ans auraient déjà eu accès à des
images à caractère pornographique.
60 % des garçons et 30 % des filles auraient déjà visionné
des films pornographiques, ceci dès la fin de l’école primaire, selon
l’émission de télévision : « Le sexe dans tous ses états »
diffusée le 18 février 2010 sur TF1. Ces
chiffres sont corroborés par une étude récente qui révèle que : un
collégien sur trois détient des images à caractère pornographique sur son
téléphone portable (Reportage « Envoyé Spécial » du 8 octobre 2014).
Quelles conséquences cette exposition massive aux images X
peuvent-elles entraîner sur le développement psychique et la construction de la
vie sexuelle de ces futurs adultes ?
Il est bien loin le temps où, pour accéder à des images
pornographiques, il fallait se procurer des magazines au kiosque (que l’on
dissimulait sous le manteau) ou veiller tard le soir pour regarder, à l’insu
des parents, un film X sur une chaîne cryptée (si tant est que les parents y
étaient abonnés…)
Aujourd’hui, inutile de se mettre en quête pour obtenir des
images pornos, elles surgissent d’elles-mêmes, parfois même sans qu’on les ait
demandées. Elles déboulent à l’improviste : publicités trashs sur les
plateformes de téléchargement, vidéos circulant sur les smartphones à la
récréation, voire sites X qui piratent des adresses inoffensives et envahissent
soudain l’écran.
Par ailleurs, la pornographie s’invite partout :
publicité, clips télévisés, films… En un clic via Internet, que ce soit sur un
ordinateur ou un smartphone, n’importe quel adolescent peut visionner autant de
vidéos X qu’il le souhaite, et cela sans débourser un seul centime.
Pour chacun d’entre nous, la sexualité est affaire de
représentations. Autrefois nous étions moins calés sur ce sujet, ce qui
laissait libre cours à notre imagination et notre fantasmagorie. Comme le souligne le Professeur Israël Nisand, chef du pôle Gynécologie et
Obstétrique du C.H.U. de
Strasbourg : « Le fait que les enfants construisent leur
fantasmagorie sexuelle sur ces films qui vont de plus en plus loin m’inquiète
beaucoup ; d’autant qu’il faut savoir que les tendances actuelles de la
pornographie s’attaquent aux derniers tabous que sont la zoophilie mais aussi
le viol et l’inceste… ». Le fait que les jeunes soient aujourd’hui exposés
en permanence à ce genre d’images crues et explicites, risque d’entraîner non
seulement un appauvrissement sur le plan de l’imaginaire mais aussi une
confusion chez eux. Le danger est en effet, qu’ils prennent la pornographie
pour la réalité et la norme et qu’elle devienne pour eux, un modèle sexuel et
relationnel de référence auquel s’identifier ; modèle dans lequel l’amour sexué
est déconnecté de toute sentimentalité et dépourvu de toutes limites. Il n’y
est jamais question de relation amoureuse. Le sexe est montré comme une
prouesse physique et non comme l’expression d’un imaginaire. S’ils prennent
alors effectivement comme norme les images qu’ils reçoivent et auxquelles ils
s’identifient, quel impact les scènes de viols collectifs, d’actes sexuels
violents et dégradants peuvent-ils avoir sur eux ? A force d’être abreuvés
d’images à caractère pornographiques, les adolescents risquent de se créer une
vision violente et dégradante de la sexualité et une image méprisante de la
femme-objet. La pornographie pousse en effet à l'extrême, les rôles masculins et féminins. L'homme y est nécessairement agressif et la femme passive et soumise. L'agression sexuelle et le viol y sont banalisés. Sans compter que faire son éducation à la sexualité par le biais
de la pornographie est générateur d’angoisses pour eux. S’ils prennent en effet
ce qu’ils voient pour argent comptant, il y a fort à parier que cela génère des
complexes physiques chez eux, tant cette caricature scénarisée est bâtie sur le
culte de la performance. On devine donc aisément que chez des adolescents qui
en sont au stade de la découverte de la sexualité et en quête de modèles à
imiter, cela peut générer repli sur soi, angoisses et inhibitions.
Comment agir alors pour contrecarrer l’effet dévastateur de
la pornographie sur nos adolescents ?
Ne nous leurrons pas. Il est impossible en l’état actuel des
choses de contrôler l’accès à ces sites pornographique. Même si nous pouvons en
limiter l’accès, au moyen du Contrôle Parental sur l’ordinateur familial, il
semblerait que cette mesure ne soit pas tout à fait au point, surtout pour ce
qui concerne les smartphones ; d’autant que rien n’empêche les enfants de
se connecter via l’ordinateur d’un copain…Il ne reste qu’une solution
alors : en limiter les effets. Et pour cela, rien ne vaut une fois et
encore, le dialogue avec des adultes à l’écoute de leurs questions sur ce
sujet. C’est un fait, les jeunes s’interrogent et cherchent des réponses. La
loi de 2001 a bien prévu des séances d’éducations à la sexualité, obligatoires dans les
collèges à raison de 3 par an en principe, mais qui ne sont pas toujours
appliquées par manque de moyens. Elles sont dans les faits, bien souvent
assumées par les professeurs de Sciences et Vie de la Terre qui se cantonnent à
l’aspect physiologique et morphologique de la génitalité. Ces cours sont très
éloignés des relations amoureuses et de la sexualité entre garçons et filles
qui sont les véritables sujets d’intérêts et de préoccupations des jeunes.
Il en va donc de la responsabilité des parents de mettre en
garde leurs enfants sur le contenu de ces sites. Pour reprendre les propos du
Dr Christian Spitz, Pédiatre, plus connu dans le cadre de ses animations radiophoniques
sous le nom de Doc : « La pornographie doit être contrecarrée par une
éducation à la sensualité, pour que les adolescents puissent avoir une vision
plus globale et structurante de ce qu’est la sexualité, de ce qu’est la
relation à l’autre. ». Il est
important pour cela que les parents puissent expliquer en toute simplicité à
leurs ados que ce qu’ils sont amenés à voir sur ce genre de site n’est pas la
réalité. La sexualité n’est pas qu’un exercice
de gymnastique mais est l’expression de l’amour, en lien avec la sensualité et
le plaisir à travers la magie des corps. Démystifier le film X, c’est aussi
leur rappeler qu’il s’agit bien de cinéma. Pour atteindre ce niveau de
performance, les acteurs prennent du Viagra ou usent de prothèses pour gonfler
leurs attributs, les actrices subissent des anesthésies pour ne pas souffrir de
la pénétration (Voir reportage « Envoyé Spécial ») ou possèdent des
silhouettes modelées par la chirurgie esthétique. Et comme dans toute fiction,
les films X usent de trucages. L’important est de pouvoir développer un sens
critique face à ce qu’ils peuvent être amenés à voir.
Aux parents d’adapter les explications en fonction de l’âge
des enfants et de leur niveau de connaissance et de vocabulaire, sans en faire toutefois
un cours… Mais mieux vaut être présents pour répondre à leurs questions quand
elles se posent plutôt qu’ils soient tentés d’aller chercher des réponses sur
Internet.
Selon le pédopsychiatre Stéphane Clerget, le meilleur moment
pour commencer à aborder cette question de la sexualité avec eux et les mettre
en garde par rapport à la pornographie, est la fin de l’école primaire. C’est
l’âge en effet où la parole des adultes est encore crédible et prise en
considération.
Nous avons bien conscience que l’éducation sexuelle est un
sujet de société délicat à aborder pour les parents avec leurs enfants, confrontés
au respect de l’intimité de chacun. Pour leur venir en aide, des psychiatres
ont mis au point deux sites internet :
- Le premier : www.educationsensuelle.com est destiné aux adolescents à partir de 13/14 ans.
L’objectif est :
- D’apporter une vision structurante et respectueuse de la sexualité et de la relation à l’autre
- De prévenir les conséquences d’une sexualité instruite par la pornographie (image dégradée de la sexualité, montée de la violence à caractère sexuel et du machisme)
- Préparer à la sexualité en donnant également des conseils essentiels sur la contraception et les Infections Sexuellement Transmissibles.
L’objectif est :
- Apporter des réponses claires aux questions des parents et des adolescents
- Accompagner les parents dans leur démarche pédagogique
- Favoriser le dialogue avec leurs enfants
Par ailleurs, le député Christian Vanneste a alerté
l’opinion publique en 2011 sur la question de la pornographie en proposant
notamment, avec 12 autres députés, une loi (proposition n° 3687) visant à faire
pression sur les Fournisseurs d’Accès à Internet afin de réguler l’accès aux
sites pornographiques pour les enfants.
Je vous invite à prendre connaissance de cette proposition
de loi :
« L’objet de
cette proposition de loi vise à dénoncer la dépendance psychologique, physique
et psychique que la pornographie peut engendrer ainsi que les conséquences
visibles qu’elle peut avoir sur la vie d’une personne », selon l'exposé des motifs de la
proposition de loi(1) . « La pornographie, sans limite, envahit
les foyers par le moyen d’internet et s’insère de manière pernicieuse dans la
vie de nombreux jeunes. La majeure partie ne cherche pas à y avoir accès a
priori, mais se trouve face à des images et des vidéos qui ne correspondent pas
à leur recherche ». « Ce qui est alarmant, c’est qu’elle en vient à
toucher non plus seulement de jeunes adolescents, mais aussi des enfants »,
est-il ajouté. Et si elle devait être adoptée, la proposition de loi
permettrait de limiter « l'accès des [sites] rendant accessibles des
images à caractère pornographique uniquement à ceux de leurs abonnés qui en
[auraient fait] expressément la demande », selon son article unique.
Il
semblerait malheureusement qu’elle n’ait pas été suivie d’effet…
Séances individuelles et de couple par téléphone ou visioconférence.
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Et pour
aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :
« Lesenfants face aux écrans : Pornographie, la vraie violence» - Jacques Henno
–
Format Poche
– Collection Evolution - 2008 – 263 p –
6,80 €
« Alice
au pays du porno : ados, leurs nouveaux imaginaires sexuels » -
Michela Marzano et Claude Rozier – Edition Ramsay – 2005 – 250 p - 43 €
Une enquête
rigoureuse qui permet de comprendre quelle vision les jeunes ont de la
pornographie
« Défi à la pudeur : quand la pornographie devient l’initiation sexuelle des jeunes » - Gérard Bonnet – Albin Michel – 2003 – 240 p – 18 €
L’auteur montre le côté néfaste de la pornographie dans l’élaboration
de la sexualité, où la pudeur tient un rôle majeur (Albin Michel, 2003).
Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
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