Si cette révélation vous chamboule, soyez certain(e) que pour votre enfant cela n’aura probablement pas été facile non plus et qu’il lui aura fallu bien du courage pour réussir à faire son « Coming out », expression consacrée pour révéler son orientation sexuelle, et qui signifie tout simplement « sortir du placard ». Avant de vous faire cette confidence, votre enfant a assurément parcouru lui-même un long chemin intérieur. Comme beaucoup de jeunes homosexuels, il a probablement lutté au départ pour réprimer cette attirance naturelle ; peut-être même a-t-il eu des expériences avec un partenaire de l’autre sexe avant d’admettre son homosexualité.
Face à cette révélation, vous allez vous retrouver confronté à un véritable travail de deuil : deuil de l’enfant que vous pensiez connaitre jusqu’à aujourd’hui et sur lequel vous aviez des projections et que vous découvrez tout à coup sous un autre jour. Mais votre enfant n’a pas changé en réalité. Il est toujours le même. Vous savez simplement, quelque chose de plus à son sujet. L’état de stupéfaction dans lequel vous vous trouvez soudainement plongé, se prolonge comme tout travail de deuil, par une phase de déni, étape où vous pouvez être tenté d’espérer que cette attirance n’est qu’une passade. Pourtant, après ce que votre enfant a été contraint de vivre pendant les longues années qui ont précédé son aveu, s’il a décidé d’en parler aujourd’hui, vous pouvez être certain que cette déclaration marque la fin d’un très long parcours et qu’il est sûr de son orientation sexuelle. Inutile donc de l’inviter à « consulter » comme on dit pudiquement en espérant qu’il y ait quelque chose à tenter pour changer « ça »… ou mieux… « Pour le guérir »….Car il n’y a rien à guérir. L’homosexualité n’est pas une maladie, ni une perversion. Bien des parents vont être enclins à remettre en question l’éducation ou les modèles qu’ils ont donnés à leur enfant. Nombreux s’interrogent sur ce qu’ils ont fait ou « pas fait » pour que leur enfant soit homosexuel. Ils se demandent où ils se sont trompés. Or, il est inutile de chercher un responsable, encore moins un coupable. Personne n’est responsable de l’orientation sexuelle de son enfant. Parce que l’homosexualité n’est tout simplement pas un choix.
Les causes de l’homosexualité sont multiples : biologiques, psychologique, culturelles, sociologiques… et complexes. Cette forme de sexualité est d’ailleurs une pratique tout à fait courante dans le règne animal. Selon le biologiste Thierry Lodé, pas moins de 450 espèces de vertébrés de même genre auraient des rapports sexuels et érotiques. Aucune étude scientifique ne permet donc à l’heure actuelle d’identifier les causes de l’homosexualité, pas plus que celles de l’hétérosexualité. Tout ce que la recherche scientifique nous a appris c’est que l’homosexualité est une variante normale de l’orientation sexuelle humaine. Votre enfant fait donc simplement partie des 5 à 10 % de personnes recensées dans le monde occidental comme ayant une attirance sexuelle envers une personne du même sexe. Une enquête réalisée en 2011 par l’I.N.S.E.E. révèle que sur 32 millions de personnes se déclarant vivre en couple, 200 000 vivraient avec une personne du même sexe. 6 sur 10 seraient des couples d’hommes et 4 sur 10 des couples de femmes ; sachant que ces chiffres sont certainement grandement sous-évalués. Il est en effet, difficile d’obtenir des statistiques précises sur ce sujet, tant l’homosexualité reste encore une inclination inavouable.
Cette étape de déni prend fin au moment où l’on est obligé de se rendre à l’évidence que l’enfant ne changera pas. Une fois cette réalité intégrée, cela pourra laisser place à l’émergence d’autres sentiments, tels la peur, la tristesse, la déception, le ressentiment, voire même, la colère.
Certains stéréotypes ont la vie dure. Les représentations sociales et culturelles quelques peu réductrices de l’homosexualité nous renvoient à des images caricaturales de l’homme efféminé au poignet mollasse qui zézaie (On a tous en tête le film « la cage aux folles ») et porte des vêtements clinquants ; et des filles aux allures de camionneuses. Face à ces représentations sociales et maintenant que votre enfant a fait son coming out, c’est peut-être vous qui aurez l’impression d’être enfermé dans le placard. Maintenant « que vous savez», comment réagirez-vous face aux questions de l’entourage qui ne manqueront pas de surgir un jour ou l’autre ? Si vous avez le sentiment que votre enfant souffre d’une maladie honteuse, vous craindrez peut-être les jugements et les réactions des proches si jamais ils venaient à savoir…
La peur est parfois guidée par des croyances erronées, voire des convictions tenaces et des amalgames relayés par la société. Encore trop de gens mal informés continuent à confondre : homosexuels et travestis, homosexuels et transgenres quand ce n’est pas homosexuels et pédophiles. Pourtant, notre orientation sexuelle ne détermine pas notre identité, pas plus que notre identité de genre ne détermine notre sexualité. Et l’homosexualité n’est pas une perversion ! Dans l’esprit de beaucoup de gens, homosexualité et sida sont également associés. De même que la peur peut aussi être alimentée par les crimes homophobes qui font occasionnellement la une des journaux.
Sur le plan de la déception, il est vrai que peu de parents imaginent leurs enfants autrement qu’hétérosexuels. Cette révélation vient donc bouleverser tous les rêves, toutes les projections qu’ils ont pu faire sur eux, à commencer par devoir renoncer à être les grands-parents de leurs enfants. C’est là aussi un deuil à faire. (Même si les choses évoluent sur ce plan et qu’en 2017 et dans un futur plus ou moins proche les jeunes homosexuels pourront accéder à de nouvelles formes de conception et de parentalité).
Dépourvu de tout espoir de changement face à cette situation, l’impuissance à laquelle vous vous trouvez confronté engendrera peut-être un sentiment de colère. Il peut être tentant alors de projeter tout le poids de cette colère sur votre enfant. Attention à la tentation de tout chantage affectif vis-à-vis de l’enfant, dans le but de le contraindre et obtenir de sa part qu’il revienne sur ses aveux. Attention également à ne pas porter de jugements hâtifs dévalorisants à son encontre et qui pourraient se répercuter en paroles blessantes que vous pourriez être amené à regretter.
Nul doute que cette annonce a un effet bouleversant. Si c’est le cas, mieux vaut dire à son enfant que l’on n’est pas en capacité de poursuivre la discussion sur ce sujet maintenant mais que l’on y reviendra plus tard. Il serait regrettable toutefois d’entériner la discussion une fois pour toute en faisant le silence sur tout ce qui se rapporte à cette question, surtout si ce sujet vous met mal à l’aise. Il faudra bien à un moment ou un autre, reprendre le dialogue sur la révélation que votre enfant vous a faite. Ce sera alors l’occasion d’en profiter pour faire toute la lumière et lui poser toutes les questions qui surgissent de manière à comprendre son cheminement et les épreuves qu’il a traversées, souvent dans une grande détresse et une grande solitude, avant d’en arriver à cette révélation.
Le fait que votre enfant décide de vous faire cette annonce aujourd’hui, témoigne de la confiance qu’il vous porte à pouvoir entendre cette révélation. Bien souvent ses amis, voire peut-être ses frères et sœurs sont déjà au courant ; l’annonce aux parents étant généralement la plus difficile à faire. En faisant son coming out, votre enfant prend le risque de se dévoiler. Et se dévoiler, c’est s’exposer au risque d’être accepté ou rejeté. Or, il a bien conscience que cette nouvelle risque de vous faire de la peine ou de vous décevoir… Cette crainte d’être rejeté par les parents n’est malheureusement pas une fiction. Des associations telles que « Le refuge » accueillent tous les jours des enfants qui se retrouvent à la rue, en rupture avec leur milieu familial, après avoir dévoilé leur homosexualité à leurs parents… L’antenne Grenobloise assure des permanences d’écoute et espère pouvoir très prochainement trouver les locaux lui permettant d’héberger les jeunes abandonnés par leurs parents au motif qu’ils sont homosexuels, bisexuels ou transexuels.
Alors, accepter son enfant tel qu’il est, c’est lui offrir la chance de pouvoir être enfin totalement lui-même. En cela, le Coming-out, non seulement le soulage d’un grand poids mais c’est aussi une étape essentielle dans son propre processus d’acceptation. Il va pouvoir enfin sortir de la solitude et du mensonge, pouvoir vivre au grand jour, sans faux-semblant. Accepter son enfant tel qu’il est et chercher à comprendre ce qu’il vit réellement est donc une aide précieuse qui lui permettra de s’assumer lui aussi tel qu’il est. Il faut avoir conscience que de trop nombreux enfants, aujourd’hui encore, pour éviter de se confronter à la déception ou la douleur des parents, vont jusqu’à organiser des mariages fictifs pour être en phase avec leurs attentes. Sauf que ceci ne peut se faire qu’au prix d’un immense gommage personnel et une condamnation à vivre dans l’ombre à perpétuité. C’est ce qui explique entre autre qu’on compte parmi les homosexuels, un taux de suicide 4 fois plus élevé par rapport à la population normale. Dans un rapport publié en 2014, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) affirmait qu'il y a un lien direct entre le suicide des personnes qui se déclarent lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres et les insultes, agressions et discriminations qu’ils subissent au quotidien.
Pouvoir révéler son homosexualité et que celle-ci soit acceptée par ses parents permet de sortir de la honte et de l’isolement et permet de se sentir plus fort vis-à-vis de l’extérieur. C’est un bienfait inestimable sur le plan de l’amour-propre que de pouvoir être enfin aligné et se respecter en tant qu’individu, indépendamment de son orientation sexuelle.
Bien des étapes ont déjà été franchies durant ce dernier siècle au prix d’une avancée parfois chaotique. Un sondage SOFRES réalisé en 1975 révèle que 24 % des français interrogés considéraient l’homosexualité comme une manière acceptable de vivre sa sexualité tandis que 40 % considéraient que c’était un fléau social et 42 % une maladie à guérir. Trente ans plus tard, un sondage IPSOS de 2004 nous apprend que 75 % des personnes interrogées, estiment que les homosexuels ont les mêmes droits que les autres à vivre leur sexualité comme ils l’entendent. Il faut dire qu’entre temps, l’homosexualité a été dépénalisée en France depuis le 4 août 1982. De plus, classée autrefois comme une perversion, elle a été ôtée de la liste des maladies mentales en 1992…Le changement est en marche. Les mentalités évoluent surtout chez les jeunes et dans les grandes villes. Ce qui n’est malheureusement pas le cas dans de nombreux pays encore. Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, il existe des lois qui pénalisent encore les rapports sexuels entre personnes de même sexe dans 78 pays dans le monde. Cinq d’entre eux appliquent même la peine de mort dans de telles circonstances. (Je vous invite, à ce sujet, à visionner le film-documentaire : « Global Gay : Pour qu’aimer ne soit plus un crime » - Références en bas de page).
En juin 2011, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies adoptait la résolution 17/19, toute première résolution des Nations Unies consacrée spécifiquement aux violations des droits humains, fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. L’objectif des Nations Unies est de faire appliquer cette résolution par le plus grand nombre, ce qui est malheureusement loin d’être le cas… Mais même si de nombreux pays n’ont pas ratifié ces accords, cela aura eu le mérite de sensibiliser l’opinion et de lancer un véritable débat autour de cette question dans le monde entier. Une bataille des droits pour les minorités sexuelles est en marche pour changer le regard sur l’homosexualité et la transsexualité.
Avec la loi du 17 mai 2013 sur le mariage pour tous, la France est devenue le 9è pays européen et le 14è pays au monde à autoriser le mariage homosexuel. En 2014, les mariages de couples de mêmes sexes ont représenté 4 % du total des unions.
Les personnalités telles que Bertrand Delanoë, ancien maire de Paris, les présentateurs télévisions tels que Frédéric Lopez ou encore Marc-Olivier Fogiel et autres chanteurs, acteurs ou humoristes tels que : Muriel Robin, Jodie Foster, Catherine Lara, Pierre Palmade et tant d’autres, grâce à leur coming out encouragent les jeunes à oser dévoiler leur homosexualité.
Entre le choc de l’annonce, l’acceptation de la révélation et la totale transparence sur le sujet, le parcours des parents risque d’être long et tortueux. Il est évident que cela ne se fera pas en un jour. Du rejet à l’acceptation en passant par le doute, la frustration puis la colère et le retour au doute, le cheminement et l’avancée seront probablement chaotiques. Vous ne pouvez qu’accepter qu’il en soit ainsi, et considérer la révélation que votre enfant vous a faite comme un cadeau et un formidable acte d’amour.
Si cette situation vous met toutefois en difficulté, n’hésitez pas à venir en parler à un professionnel de l’écoute pour vous aider à franchir ce cap difficile.
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- "Moi homophobe : Le jour où mon fils m'a révélé son homosexualité" - Anna Ghione - Michalon Eds - 2013 - 191 p - 16 €
- « C’est comme ça » : Site internet dédié aux jeunes lesbiennes, gays, bi et trans. (LGBT) 10 conseils aux parents d’adolescents L.G.B.T.
- « Comment réagir à l’annonce de l’homosexualité de son enfant ? »
- Film-Documentaire : « Global Gay : Pour qu’aimer ne soit plus un crime » - Disponible en V.O.D.
http://www.vodgratuite.com/24-04-2017/france5/global-gay-pour-quaimer-ne-soit-plus-un-crime-1492995908
- Emission de radio : « Radio Médecines Douces » - 28 avril 2017 : « L’homosexualité, un bouleversement de la famille ? ».
TELEVISION :
MERCREDI 17 MAI à 20 h 55 sur FRANCE 2 : Film "Baisers cachés" - Film sur des adolescents qui ont du mal à gérer leur homosexualité naissante et la réaction de leurs parents. Durée : 85 mn.
22 h 20 sur FRANCE 2 : Débat "Homophobie, le combat continue. (80 mn)
23 h 30 sur FRANCE 2 : Film "Les invisibles" - César du meilleur documentaire.
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leur homosexualité au grand jour dès 1950. (115 mn)
Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble
cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48
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