samedi 22 octobre 2016

Séparation : quand les pères ne voient plus leurs enfants

D’après l’Etude des Relations Familiales et Intergénérationnelles (E.R.F.I.) réalisée par l’I.N.E.D. (Institut National des Etudes Démographiques) et l’I.N.S.E.E. (Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques) en 2010, 13 % des enfants de parents séparés grandissent sans voir leur père. Et plus l’enfant grandit, plus la fréquence des relations se raréfie.
Dès l’âge de la majorité ce chiffre passe à 20 % (entre 18 ans et 21 ans) et à 32 % entre 30 ans et 34 ans. Cette prise de distance est à mettre en lien avec la disparition du cadre juridique. En effet au-delà de 18 ans, il n’existe plus de moyens juridiques de contraindre l’enfant à voir son père. De même que certains pères prennent parfois de la distance au moment de la majorité en estimant qu’ils ont mené à bien leur tâche. L’ensemble de ces chiffres sont cependant en nette diminution avec ceux relevés lors de la précédente étude datant de 1994. L’idée s’impose en effet aujourd’hui, que le couple parental doit survivre au couple conjugal.

La rupture de contact entre les pères et leurs enfants prédomine chez les pères les moins favorisés. Toujours selon l’I.N.E.D., on note effectivement une corrélation entre le niveau de diplôme, la situation professionnelle et le niveau de revenus, et l’absence de contact suite à la séparation. On peut aisément comprendre que le niveau de revenus se répercute sur la qualité de la relation dans la mesure où la séparation entraîne des frais supplémentaires : frais de transports par exemple. Par ailleurs, le père ne dispose pas toujours d’un logement adapté lui permettant d’accueillir son enfant chez lui. La distance géographique est aussi un facteur qui entre en ligne de compte.
Mais on note également, que la rupture du lien entre l’enfant et son père est bien souvent consécutive à une séparation conflictuelle entre les parents. La qualité de la relation « post-couple » influe directement sur la qualité de la relation père-enfant. Comme le souligne Caroline Kruse, Conseillère Conjugale & Familiale à Paris, « Le lien entre le père et l’enfant se défait très souvent à la suite d’un conflit violent entre les parents, qui perpétuent à travers cette prise en otage de l’enfant, une séparation qui n’a pas pu se faire psychiquement entre eux ».


Le principe de coparentalité, favorisé et encouragé en matière de droit des familles,  n’est pas toujours aisé à mette en pratique. En 2010, 73,5 % des enfants sont confiés à la garde de la mère (On note cependant une légère évolution : ils étaient plus de 80 % en 2003) et le père se voit octroyer un droit de visite et d’hébergement. A la suite d’une séparation, une garde alternée chez les deux parents peut également être mise en placeselon des modalités établies par les conjoints (quand ils arrivent à s’entendre) ou directement par le juge. L’alternance favorise le maintien du lien, même s’il faut bien le reconnaître, l’exercice de la paternité est mis à l’épreuve quand le père ne vit pas quotidiennement avec l’enfant.


Si le père est lui-même issu d’un couple de parents séparés, la qualité du lien instauré avec son propre père influencera très probablement dans un sens ou dans un autre, son implication personnelle auprès de son enfant.
Mais ne nous trompons pas, les pères jugés absents auprès de leurs enfants, ne sont pas toujours volontairement des pères démissionnaires.
Même si dans 90 % des cas où la résidence principale est accordée à la mère, les deux parents sont en accord avec la décision du juge, restent quand-même les 10 % où les pères ne sont pas d’accord avec une décision jugée trop partiale. Des associations militantes de pères séparés voient régulièrement le jour afin de lutter contre des mesures qu’ils estiment inégalitaires. Des opérations coups de poings sont fréquemment lancées. On a tous en tête l’image de marches organisées par les pères ou celle d’un papa retranché en haut d’une grue pour alerter l’opinion publique et faire pression afin d’obtenir le rétablissement d’un droit de garde ou de visite.


Ce que contestent particulièrement les associations de pères séparés, c’est le fait qu’à la suite de la séparation, ils ont le sentiment de devenir des pères intérimaires ou des « sous-parents ». Leur principale revendication porte notamment sur l’instauration d’une garde alternée comme système de garde à priori ; ceci dans un but plus égalitaire. Ils considèrent que la justice privilégie un peu trop systématiquement encore aujourd’hui, la mère. Or, pourRoland Coutanceau, Psychiatre –expert auprès des tribunaux, il n’est pas question de revendiquer un droit inconditionnel à l’enfant. Roland Coutanceau nous amène à nous poser la question suivante : « Faut-il au nom de cette pseudo égalité appliquer la garde alternée de façon mécanique ?», jugeant qu’en fonction de l’âge de l’enfant notamment, celle-ci n’est pas toujours judicieuse et adaptée. Il invite les pères à se questionner pour savoir si une telle demande s’inscrit réellement dans le souci du bien-être de l’enfant ou du leur avant tout ? Une application au cas par cas ne serait-elle pas préférable, en fonction de l’âge des enfants, du lieu de résidence des parents et des relations entre les ex-conjoints ? L’objectif n’est pas de mettre au pilori les hommes. Si dans certaines situations, ce n’est pas la garde alternée qui est privilégiée ce n’est pasnécessairement, une décision prise contre le père  chacun étant convaincu, je l’espère, que pour le développement et le bien-être de l’enfant, celui-ci a besoin de ses deux parents.


Il en va donc de l’intérêt des parents de tout mettre en œuvre pour que les enfants puissent continuer à grandir de la manière la plus harmonieuse possible en prenant garde à conserver la place et le rôle de chacun des parents en complémentarité, même s’ils ne vivent plus sous le même toit.











Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :


  • Retrouvez toute l’étude de l’I.N.E.D. sur Internet : « Quand la séparation des parents s’accompagne d’une rupture du lien entre le père et l’enfant. » en cliquant ICI

Bibliographie :


  • « Les pères dépossédés » - Bruno Décoret- Ed° Desclée de Brouwer – 1988 – 173 p – 15,10 €

  • « Pères séparés, pères tout de même » - Bruno Décoret – Ed° Economica – 1997 – 216 p – 21 €
  • Emission de télévision : « Toute une histoire » - 21/10/2015 : « Ils ont été séparés de leurs enfants ».
  • Association « S.O.S. Papa » = Association de défense des pères en situation de divorce ou de séparation. www.sospapa.net/


Patricia Cattaneo
Conseillère Conjugale et Familiale à Grenoble

cattaneo.patricia@gmail.com
06 14 76 05 48