Tomber enceinte alors que l’on se sait malade ou découvrir
un cancer alors que bébé est en route, un véritable cauchemar pour toutes les
femmes qui se retrouvent face à cette conjoncture que tout semble opposer :
d’un côté, la joie de porter un enfant et de donner la vie et de l’autre, cette
terrible maladie qui fait peser une épée de Damoclès sur la tête des futures
mères.
Heureusement, l’apparition de cette maladie pendant la
grossesse demeure relativement rare. Les femmes les plus susceptibles de tomber
enceinte (les moins de 35 ans) ont peu de chances de faire face à un cancer au
cours de leur grossesse. En France, cela
touche 500 femmes par an, soit une personne sur 1000. Le nombre de cancers
diagnostiqués durant la grossesse est cependant en constante augmentation. En
effet, le risque de développer un cancer augmentant avec l’âge, on sait que les
femmes aujourd’hui, ont des enfants de plus en plus tard. Pour autant, les
chiffres concernant la mortalité maternelle se veulent rassurants. Sur les 500
femmes touchées par le cancer, seules 2 % décèdent ; pour la plupart,
après avoir refusé l’interruption de grossesse préconisée ou les traitements.
Il y a tout juste 20 ans, lorsqu’une femme enceinte
apprenait qu’elle avait un cancer, on lui proposait aussitôt d’interrompre sa
grossesse et ceci, quel que soit le terme afin de pouvoir mettre en route le
traitement. Ce n’est plus systématiquement le cas aujourd’hui ; même si cela
reste l’attitude qui prévaut lorsque la grossesse est récente (moins de 3
mois). Si la femme enceinte est proche du terme, on propose souvent de
déclencher l’accouchement pour entreprendre le traitement après l’accouchement.
L’interruption de grossesse est rarement justifiée car elle ne modifie le plus
souvent en rien, le pronostic. Par ailleurs, le cancer ne présente pas de
risque de contamination pour le fœtus. Pour autant, face à un tel diagnostic de
nombreuses femmes (30 à 40 %) font le choix elles-mêmes de mettre fin à leur
grossesse afin de pouvoir mieux se consacrer à leur traitement. Nombreuses aussi,
sont celles qui décident de ne pas entreprendre de traitement avant la fin de
la grossesse.
Dès le diagnostic de cancer posé, si la future mère décide
de poursuivre sa grossesse, elle sera prise en charge par une équipe
pluridisciplinaire composée de gynécologue-obstétricien, d’oncologue,
chimiothérapeute, radiothérapeute et de psychologue.
D’une manière générale, l’attitude thérapeutique va dépendre
du terme de la grossesse mais aussi de la nature et de l’extension de la tumeur
ou du cancer et de son caractère agressif. Donc, au-delà du 1er
trimestre, si la femme le souhaite, un traitement adapté peut être mis en place
pour permettre de poursuivre la grossesse en toute sécurité. Pour l’équipe
médicale, il s’agit toujours d’une situation délicate à gérer et qui va
nécessiter des choix thérapeutiques particuliers. L’objectif est de minimiser
les risques pour l’enfant et de décider du meilleur moment pour traiter la
future maman ; d’où la nécessité d’une prise en charge globale. La
majorité des traitements peuvent toutefois être mis en œuvre de manière
efficace sans être nocifs pour le fœtus.
En priorité, la chirurgie sera envisagée quelle que soit le
stade de développement du foetus. La chimiothérapie quant à elle, ne pourra
être proposée qu’à partir du milieu du 2 è trimestre et au cours du 3è
trimestre. Seule la radiothérapie est strictement interdite durant la grossesse
car elle pourrait être délétère pour le fœtus. Dans la grande majorité des
situations (sauf cas rares d’évolution très rapide et menaçante qui nécessitent
de réagir sans délai) on peut se donner en toute conscience, le temps de la
réflexion. Parfois même, selon le terme, le début des traitements pourra n’être
envisagé qu’après l’accouchement. Dans tous les cas, les enjeux et options
thérapeutiques ainsi que les effets des traitements proposés seront clairement
exposés à la future mère. Les décisions seront prises en concertation avec
elle, après qu’elle ait été bien
informée et conseillée. Et en tout état de cause, le choix final lui
appartient. La qualité de la relation entre la future mère et l’équipe
soignante est donc primordiale.
Si les progrès de la médecine ont dans la majorité des cas,
rendu possible la poursuite de la grossesse et le traitement du cancer, cela
reste une épreuve très difficile à traverser. En proie à l’angoisse, les futurs
parents sont pris dans cette terrible contradiction : la joie de donner la
vie et l’effroi d’être confronté à une maladie potentiellement mortelle.
Il est difficile et pourtant nécessaire, pour la future
maman, de porter toute son attention à la fois sur la prise en charge de la
maladie et sur la grossesse. La préoccupation pour sa propre santé est tout à
fait normale. Cela risque néanmoins, d’affecter la qualité des interactions
« mère/bébé ». L’investissement dans cette grossesse sera forcément
particulier. Pour certaines mamans, il va être difficile de se centrer sur leur
bébé alors qu’elles seront assaillies de questions, submergées par
l’angoisse et dans la détresse. D’autres vont au contraire, focaliser toute
leur attention sur ce bébé à venir, ce qui va entrainer un regain d’énergie et
une volonté de se battre. On ne réagit pas tous de la même façon dans une telle
situation et il ne s’agit pas de juger d’une attitude qui serait meilleure
qu’une autre, chacun faisant comme il peut avec ses propres ressources. Dans
tous les cas, la naissance de ce bébé aura toutes les chances d’être vécue
comme une revanche, une victoire sur la menace de mort. Quoi qu’il en soit, ce
bébé sera le témoin d’une histoire singulière et particulièrement éprouvante.
C’est pourquoi, une prise en charge psychologique est
systématiquement proposée à la future maman et à son conjoint pour les
accompagner dans cette épreuve. Des professionnels de l’écoute pourront
accueillir sans jugement et sans restriction tous les sentiments que cette
situation va les amener à vivre : peur, tristesse, colère, etc. et les
accompagner dans les moments de doutes et de découragement. Il ne faudra pas hésiter
à poursuivre cet accompagnement thérapeutique, après la naissance, le temps
nécessaire pour trouver l’apaisement et accueillir cette nouvelle vie qui vous
tend les bras.
Et pour aller plus loin, si ce sujet vous
intéresse :
Film « Haut les cœurs » sorti le 3/11/1999
avec Karin Viard et Laurent Lucas. Durée : 1 h 40.
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