vendredi 10 janvier 2020

Grossesse et cancer

Tomber enceinte alors que l’on se sait malade ou découvrir un cancer alors que bébé est en route, un véritable cauchemar pour toutes les femmes qui se retrouvent face à cette conjoncture que tout semble opposer : d’un côté, la joie de porter un enfant et de donner la vie et de l’autre, cette terrible maladie qui fait peser une épée de Damoclès sur la tête des futures mères.

Heureusement, l’apparition de cette maladie pendant la grossesse demeure relativement rare. Les femmes les plus susceptibles de tomber enceinte (les moins de 35 ans) ont peu de chances de faire face à un cancer au cours de leur grossesse.  En France, cela touche 500 femmes par an, soit une personne sur 1000. Le nombre de cancers diagnostiqués durant la grossesse est cependant en constante augmentation. En effet, le risque de développer un cancer augmentant avec l’âge, on sait que les femmes aujourd’hui, ont des enfants de plus en plus tard. Pour autant, les chiffres concernant la mortalité maternelle se veulent rassurants. Sur les 500 femmes touchées par le cancer, seules 2 % décèdent ; pour la plupart, après avoir refusé l’interruption de grossesse préconisée ou les traitements.
Il y a tout juste 20 ans, lorsqu’une femme enceinte apprenait qu’elle avait un cancer, on lui proposait aussitôt d’interrompre sa grossesse et ceci, quel que soit le terme afin de pouvoir mettre en route le traitement. Ce n’est plus systématiquement le cas aujourd’hui ; même si cela reste l’attitude qui prévaut lorsque la grossesse est récente (moins de 3 mois). Si la femme enceinte est proche du terme, on propose souvent de déclencher l’accouchement pour entreprendre le traitement après l’accouchement. L’interruption de grossesse est rarement justifiée car elle ne modifie le plus souvent en rien, le pronostic. Par ailleurs, le cancer ne présente pas de risque de contamination pour le fœtus. Pour autant, face à un tel diagnostic de nombreuses femmes (30 à 40 %) font le choix elles-mêmes de mettre fin à leur grossesse afin de pouvoir mieux se consacrer à leur traitement. Nombreuses aussi, sont celles qui décident de ne pas entreprendre de traitement avant la fin de la grossesse.
Dès le diagnostic de cancer posé, si la future mère décide de poursuivre sa grossesse, elle sera prise en charge par une équipe pluridisciplinaire composée de gynécologue-obstétricien, d’oncologue, chimiothérapeute, radiothérapeute et de psychologue.
D’une manière générale, l’attitude thérapeutique va dépendre du terme de la grossesse mais aussi de la nature et de l’extension de la tumeur ou du cancer et de son caractère agressif. Donc, au-delà du 1er trimestre, si la femme le souhaite, un traitement adapté peut être mis en place pour permettre de poursuivre la grossesse en toute sécurité. Pour l’équipe médicale, il s’agit toujours d’une situation délicate à gérer et qui va nécessiter des choix thérapeutiques particuliers. L’objectif est de minimiser les risques pour l’enfant et de décider du meilleur moment pour traiter la future maman ; d’où la nécessité d’une prise en charge globale. La majorité des traitements peuvent toutefois être mis en œuvre de manière efficace sans être nocifs pour le fœtus.
En priorité, la chirurgie sera envisagée quelle que soit le stade de développement du foetus. La chimiothérapie quant à elle, ne pourra être proposée qu’à partir du milieu du 2 è trimestre et au cours du 3è trimestre. Seule la radiothérapie est strictement interdite durant la grossesse car elle pourrait être délétère pour le fœtus. Dans la grande majorité des situations (sauf cas rares d’évolution très rapide et menaçante qui nécessitent de réagir sans délai) on peut se donner en toute conscience, le temps de la réflexion. Parfois même, selon le terme, le début des traitements pourra n’être envisagé qu’après l’accouchement. Dans tous les cas, les enjeux et options thérapeutiques ainsi que les effets des traitements proposés seront clairement exposés à la future mère. Les décisions seront prises en concertation avec elle,  après qu’elle ait été bien informée et conseillée. Et en tout état de cause, le choix final lui appartient. La qualité de la relation entre la future mère et l’équipe soignante est donc primordiale.
Si les progrès de la médecine ont dans la majorité des cas, rendu possible la poursuite de la grossesse et le traitement du cancer, cela reste une épreuve très difficile à traverser. En proie à l’angoisse, les futurs parents sont pris dans cette terrible contradiction : la joie de donner la vie et l’effroi d’être confronté à une maladie potentiellement mortelle.
Il est difficile et pourtant nécessaire, pour la future maman, de porter toute son attention à la fois sur la prise en charge de la maladie et sur la grossesse. La préoccupation pour sa propre santé est tout à fait normale. Cela risque néanmoins, d’affecter la qualité des interactions « mère/bébé ». L’investissement dans cette grossesse sera forcément particulier. Pour certaines mamans, il va être difficile de se centrer sur leur bébé alors qu’elles seront assaillies de questions, submergées par l’angoisse et dans la détresse. D’autres vont au contraire, focaliser toute leur attention sur ce bébé à venir, ce qui va entrainer un regain d’énergie et une volonté de se battre. On ne réagit pas tous de la même façon dans une telle situation et il ne s’agit pas de juger d’une attitude qui serait meilleure qu’une autre, chacun faisant comme il peut avec ses propres ressources. Dans tous les cas, la naissance de ce bébé aura toutes les chances d’être vécue comme une revanche, une victoire sur la menace de mort. Quoi qu’il en soit, ce bébé sera le témoin d’une histoire singulière et particulièrement éprouvante.
C’est pourquoi, une prise en charge psychologique est systématiquement proposée à la future maman et à son conjoint pour les accompagner dans cette épreuve. Des professionnels de l’écoute pourront accueillir sans jugement et sans restriction tous les sentiments que cette situation va les amener à vivre : peur, tristesse, colère, etc. et les accompagner dans les moments de doutes et de découragement. Il ne faudra pas hésiter à poursuivre cet accompagnement thérapeutique, après la naissance, le temps nécessaire pour trouver l’apaisement et accueillir cette nouvelle vie qui vous tend les bras.

Et pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :

Film « Haut les cœurs » sorti le 3/11/1999 avec Karin Viard et Laurent Lucas. Durée : 1 h 40.


Articles qui peuvent vous intéresser :