samedi 9 avril 2022

Comment réagir face aux « caprices » ou crises de colères de son enfant.

Quel parent ne s’est pas déjà retrouvé désemparé face à son enfant, en proie à un caprice ou une crise de colère que l’on ne sait pas juguler, surtout lorsque cela se produit en public et que l’on sent peser sur soi un regard jugeant, réprobateur quand ce n’est pas moqueur…

Mais lorsqu’on parle de « caprices », de quoi parle-t-on exactement ? Pour la plupart des personnes, le terme de « caprices » a une connotation négative.

Et sous-entend que l’enfant de manière intentionnelle manifeste parfois avec violence (par les cris, les pleurs, les coups, etc.) son désir ou son désaccord en vue de vous faire « plier » et obtenir de vous ce qu’il veut. Or, non, l’enfant n’est pas en capacité de vous manipuler. N’oublions pas, surtout lorsqu’il n’a pas encore accès au langage ou à la compréhension de ses ressentis, que c’est la seule manière pour lui, d’exprimer son insatisfaction ou sa frustration.  Le terme de « caprice » me semble donc mal choisi. Je préfèrerais parler de « colère ».

Bien qu’elles  se manifestent de manière inégale, les colères sont normales et font partie du processus de développement de l’enfant dès lors qu’il commence à exercer son autonomie ; c.à.d. à partir de 18 mois environ.

Qu’est-ce que la colère ?

La colère est une émotion. Elle fait partie des 6 émotions fondamentales, inhérentes à chaque être humain qui sont, pour mémoire : la joie, la tristesse, la peur, la surprise, le dégoût et, notre sujet du jour, la colère. Donc l’enfant qui « fait un caprice », exprime une émotion qui se trouve être la plupart du temps de la peur ou de la colère. Or, il faut savoir qu’une émotion prend toujours naissance dans le corps et échappe à notre contrôle et notre volonté. C’est une réaction physiologique telle que : des papillons dans le ventre, la gorge qui se serre, la mâchoire qui se crispe, le ventre qui se noue… Lorsque l’enfant exprime de la colère, cela traduit donc tout simplement, un besoin insatisfait chez lui, sans que celui-ci ne comprenne même parfois lui-même, ce qui lui arrive. S’agissant de la colère, elle est toujours bien évidemment l’expression d’une expérience désagréable pour lui, qui souvent le dépasse et qu’il n’arrive pas à exprimer ; en particulier lorsqu’il est tout-petit, non seulement parce qu’il n’est pas en capacité de l’exprimer mais aussi parce qu’il n’a pas encore acquis la capacité à réguler son état émotionnel et contrôler ses impulsions. N’oublions pas que la partie du cortex dont le rôle est de contrôler nos impulsions ne commence à mûrir qu’entre 5 ans et 7 ans. En dessous de 5 ans, le cerveau archaïque et émotionnel domine et l’enfant se contrôle difficilement.

Que signifie la colère et comment l’enfant l’exprime-t-il ?

En fonction de l’âge de l’enfant, ces « colères » ne se manifestent pas de la même façon et ne traduisent pas les mêmes besoins. La plupart du temps, la peur ou la colère va s’exprimer par des pleurs ou des cris. Mais l’enfant peut aussi se rouler par terre, donner des coups, mordre, lancer des objets, etc.

·        Avant 18 mois, le cerveau de l’enfant n’est pas assez mature pour être en capacité de comprendre lui-même, ce qui génère de l’inconfort (faim, fatigue, besoin d’être rassuré, etc.) et d’imaginer une stratégie pour répondre à ce besoin. Il est entièrement dépendant de ses parents. De plus, n’ayant pas accès au langage, si tant est qu’il l’ait identifié, il n’est pas en capacité d’exprimer son besoin. On ne peut donc pas parler de « caprice » mais juste de l’expression d’un besoin insatisfait. Si vous pensez comprendre ce qui génère cet état chez lui, le fait de répondre à son besoin va lui permettre, non seulement, de s’apaiser, mais cela lui renvoie également un message de confiance et de sécurité. Il sait qu’il peut compter sur vous pour répondre à ses besoins.

·        De 18 mois à 2 ans : C’est la période du NON. L’enfant s’autonomise. Il apprend petit à petit ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas et prend plaisir à le manifester. Il n’est pas trop gâté, il n’est pas “mal élevé” mais il commence à vouloir s’affirmer en tant qu’individu. Pour exprimer ses propres désirs, il s’oppose à vous.

Il prend plaisir à faire les choses par lui-même. A cet âge-là, la colère est souvent la manifestation de la frustration : par exemple, frustration de ne pas arriver à faire tout seul ou que l’on n’accède pas à ses demandes ou encore lorsqu’il se retrouve face à une contrainte (lorsqu’il ne peut pas faire ce qu’il souhaite ou qu’il se voit obligé de faire des choses dont il n’a pas envie). Il a encore du mal à intégrer à cet âge-là, la notion de règles et d’impératifs. De même il lui est encore difficile d’exprimer ses émotions par la parole, même si on peut l’y encourager.

·        Après 2 ans : L’expression de la frustration continue à se développer. Il s’agit néanmoins de faire la différence entre les besoins vitaux et les désirs de l’enfant. S’il pleure pour mettre le gilet bleu parce qu’il a froid mais que vous lui proposez le rouge parce que le bleu est sale, il exprime un désir et non un besoin. Vous n’êtes pas obligés de répondre à tous ses désirs. Selon les circonstances, il n’est pas toujours facile d’opérer un distinguo entre désir et besoin. Or, c’est important que votre enfant soit confronté aux limites. C’est en cela qu’il est important de faire la distinction entre besoin et désir. Il est nécessaire que vous répondiez à ses besoins (dans la limite du possible) mais vous ne pouvez pas répondre à tous ses désirs. Sans quoi, si vous cédez à tous ses désirs à chaque fois qu’il pleure ou crie, vous lui renvoyez le message que c’est de cette façon qu’il faut s’y prendre pour obtenir ce qu’il désire. Sans parler de manipulation de sa part, il applique juste le mode d’emploi !

Comment agir en amont pour éviter les crises :

Même si les crises de colère font partie du développement normal de l’enfant, il est possible d’agir pour en diminuer la fréquence et l’intensité. Pour les plus petits, on peut s’assurer par exemple que l’enfant n’a pas faim ou n’est pas trop fatigué en instaurant des rythmes réguliers de repas et de couchers. Si vous êtes amené  sortir avec lui, pensez à apporter des jouets pour l’occuper parce que le temps peut lui paraitre long parfois. Si vous n’êtes pas d’accord pour qu’il accède à certains objets, arrangez-vous pour les mettre (dans la mesure du possible) hors de sa portée et de sa vue. Inutile en effet, de multiplier les frustrations.

Il est important aussi, de fixer des limites pour qu’il comprenne qu’il ne peut tout obtenir. Si vous accédez à toutes ses demandes, il ne peut comprendre vos limites. De même que s’il constate que c’est lorsqu’il se met en colère qu’il parvient à obtenir ce qu’il souhaite, il apprend que c’est la marche à suivre pour se procurer ce dont il a envie ou besoin.

Comment faire face aux crises de colère lorsqu’elles se présentent ?

Quelles qu’en soient la cause, voici quelques lignes de conduites que vous pouvez vous efforcer de suivre lorsque vous devez faire face à une crise de colère :

·        Gardez votre calme. Ne soyez pas tentés de crier plus fort que l’enfant car cela ne ferait qu’aggraver la situation. Si vous haussez le ton, il risque en effet à son tour de crier encore plus fort. Si la situation le permet (qu’un autre adulte peut prendre le relai ou si vous êtes seule, de prendre un peu de distance tout en le surveillant), éloignez-vous un instant pour respirer et retrouver votre calme et votre sang-froid.

·        Cherchez à l’apaiser en nommant ses émotions : en lui disant par exemple, « Je vois que tu es très en colère ». Mais si l’émotion est telle qu’il n’est plus en état de vous entendre, n’insistez pas. Chercher à le raisonner ne ferait alors que prolonger la crise. Eloignez-vous un instant, et laissez passer la crise sans intervenir.

·        Tenez bon. Résistez. Cédez à la tentation de plier à sa demande si vous n’êtes pas en accord, pour que la crise cesse plus vite, surtout lorsqu’elle se déroule en public. Ce serait lui envoyer le signal qu’il est obligé d’en passer par là pour obtenir ce qu’il veut.

·        Prenez au sérieux ses émotions. Dites-lui que vous comprenez ses frustrations ; qu’il a le droit d’être en colère. Pour autant, vous n’acceptez pas la manière dont il l’exprime, s’il en vient à frapper, lancer des objets, etc. Ces comportements ne sont pas acceptables et pourraient donner lieu à une sanction (punition) le cas échéant.

·        Ne vous souciez pas du regard extérieur, surtout si vous êtes dans un lieu public. Si vous pensez que des personnes peuvent se montrer critiques à votre égard, sachez que d’autres en sont passés par là et sont compréhensives et compatissantes. Donc ne changez rien à votre ligne de conduite.

·        Une fois la colère passée, prenez l’enfant contre vous pour l’apaiser et le rassurer. Ces situations qui souvent le dépassent ne sont pas agréables pour lui non plus.

·        Prenez le temps de faire un retour sur ce qui vient de se produire et ce qui l’a conduit dans cet état.

-        Aidez-le à parler de ce qui s’est passé ; de ce qu’il a ressenti ; de la cause de sa colère.

-        Apprenez-lui à mettre des mots sur son émotion. Verbalisez à sa place, surtout s’il n’a pas encore accès au langage, ce qui a déclenché la colère : « Tu es en colère parce que ton camarade ne veut pas te prêter son jouet » ; « Tu n’es pas content parce que tu aimerais continuer à jouer mais c’est l’heure d’aller se coucher », etc.

 

·        Soyez un exemple en la matière. Il vous arrive aussi d’être en colère ou plus irritable à certains moments. Vous pouvez partager avec lui à voix haute votre processus pour qu’il puisse suivre votre exemple : « Je suis en colère. Je n’aime pas quand… Mais je vais prendre le temps de respirer pour me calmer. Et je vais réfléchir pour trouver une solution à mon problème ». Au fur et à mesure qu’il va grandir, cela l’encouragera à regarder ce qui se passe en lui et comment il peut agir sur sa colère.

·        Apprenez-lui à s’auto-calmer lorsqu’il sent l’émotion monter en lui, par la respiration par exemple. Donnez-lui des outils pour exprimer sa colère. Il peut apprendre à la dessiner. Vous pouvez aussi mettre à sa disposition une « caisse à colère » avec des magazines qu’il aura le droit de déchirer par exemple ou un coussin sur lequel il pourra frapper pour défouler sa colère le temps pour lui, de se calmer pour revenir vers vous ensuite.

Vous l’aurez compris, aucun enfant (et aucun parent !) n’échappe aux crises de colère. Ce tourbillon d’émotions est normal et sain. Votre rôle est donc d’aider votre enfant à comprendre ce qui se passe en lui pour mieux identifier les sources de tensions et de frustrations. En l’encourageant à nommer ce qu’il ressent, vous l’aiderez à exprimer ses émotions afin de pouvoir les contrôler et ne pas se laisser dépasser par elles. Complimentez-le à chaque fois qu’il parvient à mettre en mots ses émotions négatives, ses frustrations et ses besoins.

Résister à ses colères est un service que vous lui rendez. La vie est faite de frustrations et de limites. Mieux vaut en faire l’apprentissage au sein de la famille, dans un lieu sécurisé qu’à l’extérieur à ses dépens.

En grandissant, l’enfant va apprendre à gérer ses colères qui de fait, vont diminuer en fréquence et en intensité. Si ce n’était pas le cas, et que malgré votre aide, celles-ci restent très fréquentes et violentes, ces accès de colère peuvent être le signe d’un autre problème sous-jacent. Une consultation auprès d’un spécialiste s’impose alors.

 

Et pour aller plus loin si ce sujet vous intéresse :

·        « La couleur des émotions » - Anna Liénas – Glénat Jeunesse – 22 pages – 21,90 €

·        « Le cabinet des émotions : Aider votre enfant à gérer ses colères: Exercices et outils pour apaiser et éviter les crises. » - Stéphanie Couturier – Marabout –64 pages - 25/01/2017 – 5,90 €

·        « Colère et retour au calme » - Isabelle Filiozat – Nathan – 24/08/2017 – 80 pages - 12,90 €


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