Empathie est une traduction du mot allemand « Einfühlung » qui signifie « Ressentir de l’intérieur ». L’empathie se caractérise donc par la capacité à comprendre et ressentir les sentiments d’une autre personne, autrement dit, à se mettre à sa place. Cela fait appel à la capacité ancestrale à décoder sur le corps de l’autre, ses émotions, ses joies, ses peines, à travers ce qu’exprime son visage, son regard et toutes ses attitudes non verbales.
7 émotions, telles que définies par Paul Eckman, Psychologue
américain sont reconnues universellement à travers le monde quelle que soit la
société et la culture. Il s’agit de :
1. La colère
2. La peur
3. Le mépris
4. Le dégoût
5. La surprise
6. La tristesse
7. La joie
La capacité d’empathie à proprement parler serait donc universelle.
Comment se construit l’empathie ?
Serge Tisseron, Psychiatre et Psychanalyste français définit
3 étapes :
1. Tout d’abord, l’empathie affective qui apparait en premier (Déjà présente chez les tout jeunes enfants). Le bébé décode les émotions à travers les mimiques de l’autre.
2. Puis, vers l’âge de 4 ans, se met en place l’empathie cognitive. L’enfant comprend que l’autre a une vie mentale différente de la sienne. Il acquiert la capacité à se mettre intellectuellement à la place de l’autre.
· 3. Et enfin, vers 8 à 12 ans, l’enfant développe l’empathie mature qui correspond à la capacité à se mettre émotionnellement à la place de l’autre.
Il semblerait que cette capacité à ressentir les émotions de
l’autre se trouve partout dans le vivant : non seulement chez les êtres humains
à tout âge mais également chez les animaux. De nombreuses expériences ont été
menées sur des vaches, des loups, des rats, mais aussi des oiseaux, des
reptiles et même des insectes pour observer leur capacité d’empathie, notamment
à travers la prise en charge des sujets blessés ou plus âgés. De même que l’on
constate que des
colonies de fourmis, par exemple, sont capables de réaliser ensemble ce
qu’aucune fourmi ne pourrait faire seule.
Cette faculté d’empathie a même été observée chez les arbres
et les plantes. Il existe des faits irréfutables qui prouvent
que les plantes sont douées de sens, perçoivent le monde extérieur et y
répondent de manière parfaitement adaptée. « On a également retrouvé chez
elles la plupart des molécules qui agissent comme neurotransmetteurs chez les
animaux et les humains, ce qui est très troublant » observe Bruno Moulia,
Directeur de Recherche à l’INRA (Institut National de la Recherche en
Agronomie). Nous avons tous en tête le best-seller de Peter Wohlleben « La
vie secrète des arbres » paru en 2020. Il existe même des capacités
d’empathie inter-espèces. Tous ceux qui possèdent un animal domestique vous le
diront.
Par ailleurs, il a été prouvé que
dès la Préhistoire, les hommes réagissaient à la souffrance de leurs proches et
prenaient soin les uns des autres.
De nombreuses expériences ont mis
en évidence la capacité des bébés à différencier les expressions du visage de
l’adulte qui prend soin de lui et à réagir et interagir en conséquence. Ce constat vient bousculer la
vision de l’enfant égoïste centré sur la seule recherche du plaisir qui a
prédominé pendant longtemps, la psychologie infantile. Ces expériences ont
permis de mettre en évidence également, l’attrait des bébés et jeunes enfants
pour les personnages « qui aident » plutôt que ceux « qui
nuisent ».
Que nous révèle l’imagerie
médicale ?
Si l’on met en scène, deux
proches (Un couple par exemple) où l’un subit une agression tandis que l’autre
observe la situation, l’imagerie médicale démontre que ce sont les mêmes zones
du cerveau qui sont activées et avec la même intensité, selon que l’on subit
l’agression ou que l’on soit simple observateur. Notre cerveau est donc bien
« câblé » pour résonner en empathie. C’est ce que l’équipe de Giacomo
Rizzolati (Directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine
de Parme) a mis en évidence en 1990 et identifié comme « les neurones
miroirs ». L’effet est le même, que l’on exécute une action ou que l’on
s’imagine simplement exécuter cette même action. Ces neurones miroirs jouent un
rôle essentiel dans l’empathie.
Une autre étude met également en
évidence, un facteur génétique qui pourrait expliquer notre capacité plus ou
moins grande à être en empathie avec autrui. En effet, une analyse ADN menée
sur un échantillon de 711 volontaires par des biologistes américains en 2012
met en évidence que ceux qui ont dans leur génome certaines versions de gènes
codant pour les récepteurs des deux hormones qui sont l’ocytocine et la
vasopressine sont plus enclins à éprouver de l’empathie envers les autres.
Partant de ces concepts, est-il
possible de développer l’empathie chez les enfants ?
Même si l’empathie
est innée et se révèle naturelle et spontanée, il y a moyen de la développer
grâce à l’éducation. Plus simplement, on observe que le fait de baigner dans un
climat empathique encourage le développement de l’empathie chez l’enfant. Pour
Serge Tisseron, plus un enfant bénéficie d’empathie de la part des adultes de
référence, plus il développe sa capacité d’empathie pour autrui et pour
lui-même. Par exemple, un enfant qui a bénéficié d’une éducation bienveillante
a sûrement moins de risque de devenir un enfant harceleur car il va davantage
être en capacité de se mettre à la place du harcelé. Par contre, un milieu où
l’hyper compétitivité est encouragée va avoir un effet délétère sur l’empathie.
En fait, les premiers
facteurs qui vont influencer favorablement l’empathie sont notre propre
capacité à être en empathie avec les bébés à travers tous les soins de
maternage. Des pratiques telles que l’allaitement (long), le portage, le
cododo, les massages vont encourager le développement de l’empathie. Tout comme
le fait de ne pas laisser pleurer les bébés (mais de considérer les pleurs
comme un signal de détresse et un appel à l’aide. N’oublions pas que les pleurs
sont le seul moyen dont il dispose pour exprimer son malaise) en le prenant
dans les bras, en le rassurant, en lui donnant le sein quelle que soit la cause
de son malaise. Toutes ces pratiques ou ces attitudes vont favoriser le bon
développement social et émotionnel de l’enfant. Etre en empathie avec son bébé,
comprendre son besoin de contact, de câlins, de bercements, d’être
« nourri » au sens large du terme et y répondre va impacter le
développement et la structuration de son cerveau. Des études ont démontré l’importance du toucher sur l’enfant et ses
conséquences sont même mesurables sur l’épigénome. Les soins aimants
influencent durablement l’A.D.N. des bébés. Avoir un comportement chaleureux
envers son enfant, reconnaitre ses émotions et lui apprendre à reconnaitre
lui-même ses propres émotions va lui permettre de développer son empathie
naturelle.
Comment la capacité d’empathie peut être endommagée.
Si chacun porte en soi, potentiellement, cette faculté plus
ou moins développée d’empathie comment expliquer toutes les violences
perpétrées dans le monde ?
On l’a vu, pour que l’empathie se développe dans de bonnes
conditions chez l’enfant, celle-ci a besoin d’être nourrie par une relation
avec des adultes bienveillants. Par conséquent, face à des comportements
« maltraitants » (absence de soins, éducation autoritaire,
humiliations,…) l’enfant risque de perdre cette empathie et de devenir
insensible aux émotions et à la douleur des autres. On a vu que des soins
aimants influencent l’ADN des bébés. Malheureusement, l’inverse est vrai
également. La négligence ou la maltraitance parentale va elle aussi influencer,
mais de manière négative, l’ADN des bébés.
Comment faire en sorte que l’empathie se développe et ne
se limite pas qu’aux proches.
Des expériences ont permis de démontrer que, naturellement,
un enfant va être davantage empathique envers des sujets qui lui ressemblent au
détriment de ceux qui lui apparaissent « différents ». Ce penchant
permet probablement d’expliquer toutes sortes de rejets et de comportements
racistes au sens large et en tous genres.
Pour Serge Tisseron, « pour lutter contre ce
biais, il faut développer l’empathie cognitive. En effet, c’est en entrainant
l’enfant à adopter d’autres points de vue que le sien qu’on l’aide à construire
sa curiosité de l’autre. Et c’est aussi en lui montrant qu’à l’intérieur de
lui-même, il peut y avoir différents points de vue possibles sur un même
événement. Il comprend alors que d’autres choix peuvent être aussi valables que
les siens. »
Certains pays comme le Danemark, les Pays-Bas ou encore le Groenland
ou la Russie ou plus près de nous, la Belgique ont fait le choix d’inscrire
dans leur programme scolaire, des activités de nature à développer l’esprit
d’entraide, la solidarité et la bienveillance à l’école et ceci, dès le plus
jeune âge. Les petits danois de 6 ans à 16 ans ont tous par exemple, 1 h par
semaine de cours d’empathie. De plus en plus d’expériences de cette nature
guidées par la pédagogie fondée sur l’empathie, sont mises en place dans les
classes en France également : « Chaise des émotions » ;
« Cours de bienveillance » ; « jeux de cartes à piocher
invitant à se mettre à la place de son camarade », etc. afin d’apprendre à
reconnaitre puis exprimer ses émotions ainsi que ses besoins fondamentaux et à
entendre ceux des autres. L’objectif visé est d’apprendre à faire la différence
entre « sentiment » et « jugement », à développer une
meilleure connaissance de soi et mettre en place des compétences relationnelles
de bienveillance. Apprendre à se respecter soi-même pour mieux respecter les
autres. L’empathie étant elle-même au cœur de la Communication Non Violente
inspirée par Carl Rogers, célèbre psychologue humaniste américain et de son
disciple, Marshall Rosenberg.
Des pratiques telles que la méditation, la musique (les
formations musicales notamment), la lecture d’histoires aux enfants les
invitant à se mettre dans la peau des personnages, le jeu coopératif, chacun à
leur manière concourent à élargir l’empathie au-delà du cercle des proches pour
gagner tous les êtres humains.
De tous temps, lors des catastrophes humanitaires dans le
monde, on constate de formidables élans de générosité et de solidarité.
L’empathie rend heureux. Celui qui donne s’enrichit.
Nous sommes tous embarqués sur le même navire. Le défi de
notre temps consiste à concevoir, pour la première fois de l’histoire humaine,
une intégration qui ne s’appuie pas sur l’idée de séparation. Il nous
appartient en tant que parents, d’encourager nos enfants dans la voie de la
coopération en développant l’empathie envers l’ensemble du monde des vivants.
Pour aller plus loin, si ce sujet vous intéresse :
« Développer l’empathie chez les enfants » - Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau – Editions Jouvence – 2019 – 4,95 €
(Inspiré du livre de Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau : « Développer l’empathie chez les enfants »)
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